SAINT-ETIENNE
Le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne relate l’histoire de cette firme mythique, depuis les premières pièces d’artillerie jusqu’aux machines à écrire en passant par ses stratégies publicitaires.
Nombre d’entreprises ont contribué, à elles seules, à forger l’image d’une ville. Saint-Étienne n’échappe pas à la règle, avec sa mythique « Vieille Dame », surnom amical donné par ses habitants à la société Manufrance, en activité cent ans durant, de 1885 à 1985. L’exposition proposée aujourd’hui par le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne et intitulée « C’était Manufrance/Un siècle d’innovations 1885-1985 » revient sur l’histoire de cette firme inscrite dans les gènes de la cité du Forez, à travers quelque 450 pièces : objets, machines-outils, photographies, catalogues, affiches…
Le parcours, didactique et sans surprises, conte ainsi, dans une chronologie fidèle, l’aventure de cette entreprise fondée en 1885 par deux jeunes armuriers, Étienne Mimard (1862-1944) et Pierre Blachon (1856-1914), lesquels prirent alors les rênes de la manufacture d’armes Martinier-Collin pour la réactiver sous un nouveau nom : Manufacture française d’armes. D’emblée, le visiteur est convié à effectuer une « visite virtuelle » de l’usine au travers de quelques plaques stéréoscopiques, à l’instar de celle que tout quidam pouvait faire, il y a un siècle, dans le « palais industriel » du cours Fauriel, à Saint-Étienne. À ses débuts, la Manufacture française d’armes s’appuiera sur son savoir-faire originel : la fabrication de pièces d’artillerie et d’« arquebuserie moderne » – parmi lesquelles la carabine Buffalo, le fusil Idéal, best-seller à l’Exposition universelle de Paris de 1889, ou, vingt ans plus tard, le fusil Simplex… Mais rapidement le duo Mimard et Blachon saura opter pour la diversification. D’abord avec les cycles (la bicyclette Superbe, la célèbre Hirondelle à changements de vitesses…), puis avec les machines à écrire (les non moins fameuses Typo, et leur clavier en demi-cercle) ou à coudre, avant d’ouvrir sa gamme vers les appareils électroménagers (machine à laver, aspirateur, radio…), le camping, les loisirs et, plus largement, la nature. Plusieurs spécimens phares, et souvent drôles, sont montrés. Mais le plus étonnant est de constater l’ampleur de ce projet à la fois industriel et commercial. Mimard et Blachon ne lésinent pas sur les moyens.
Outre la sortie régulière de nouveaux modèles, ils adoptent des techniques commerciales d’une grande modernité : fondation d’une revue, le mythique Chasseur français, création du fameux Tarif-Album – qui attendra tout de même 1973 pour être rebaptisé Catalogue Manufrance – ; stratégie de mailing à travers une collecte d’adresses de clients potentiels par le biais, notamment, de « relais administratifs (sic) » ; lancement de la VPC… On peut se rendre compte de visu de l’abondant matériel publicitaire et, en particulier, de la qualité extrême de l’édition.
« La bonne affaire »
Le modèle de production en série prôné par Mimard et Blachon est inspiré notamment par celui de l’Américain Henry Ford. Un seul credo : « Produire en grand nombre pour proposer aux clients des produits moins chers. » Un objet retiendra régulièrement l’attention, « la bonne affaire du mois », lequel assure de solides bénéfices. Fer de lance : l’innovation. En témoigne ce désopilant « supplément » du Chasseur français intitulé Docks réunis/Étrennes utiles et agréables, lequel se veut le « Catalogue des articles les plus nouveaux, les plus ingénieux et le meilleur marché ». Le visiteur peut s’amuser à consulter une série de Tarif-Album numérisée pour l’occasion. On y trouve pêle-mêle un « pancho en tissu caoutchouté », un « périssoire-torpille », un « vêtement américain en jonc pour la chasse aux canards », une « moto-godille »…
Il y aura un avant et un après Étienne Mimard. Après la mort de son patron fétiche, aux commandes pendant trois décennies, la Manufacture française d’armes et de cycles, devenue « Manufrance » en 1947, commencera à décliner. Si, dans les années 1950, l’entreprise connaît un nouveau souffle, elle souffrira, dès la fin des années 1960, de l’apparition des grandes surfaces de bricolage et des supermarchés, et de la concurrence internationale. Puis, dans les années 1970, malgré les renforts en communication apportés par l’équipe de football de Saint-Étienne, les « Verts », ou par le cycliste Raymond Poulidor, Manufrance creusera davantage son déficit chaque année, jusqu’à sa liquidation complète en 1985.
Commissaire de l’exposition : Nadine Besse, directrice du Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne
Scénographie : Quatra.org Architecte
Nbre de pièces : plus de 450
C’était manufrance, un siècle d’innovations 1885-1985
Jusqu’au 27 février 2012, Musée d’art et d’industrie, 2, place Louis-Comte, 42000 Saint-Étienne, tél. 04 77 49 73 00.
Légende photo
Couverture du Chasseur Français, mai 1972, collection du Musée d’art et d’industrie, Saint-Etienne. © Musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne.
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Saint-Étienne : L’aventure Manufrance
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Saint-Étienne : L’aventure Manufrance