Tirant parti de son histoire, le musée lance une refonte de son parcours illustrant les liens entre l’histoire industrielle locale et la production artistique.
Saint-Étienne (Loire). La France comptait, au sortir du XIXe siècle, un bon nombre de musées dits « d’art et d’industrie » : des collections techniques, réunies et exposées pour inspirer les entrepreneurs et éduquer les ouvriers, et qui ont peu à peu épousé d’autres destinées. L’appellation, devenue « musée des beaux-arts » pour La Piscine à Roubaix, ou étant resserrée aux tissus patrimoniaux à Lyon, ne subsiste finalement plus qu’à Saint-Étienne. Lorsque le musée municipal entame la révision de son projet scientifique et culturel (PSC, validé en août 2021), la question de renouveler le nom se pose : « Pour la Drac [direction régionale des Affaires culturelles] comme pour nous, ce nom est un patrimoine en lui-même, explique Marie-Caroline Janand, directrice du pôle muséal stéphanois. Il s’inscrit dans la mouvance du Victoria and Albert Museum [à Londres], du Martin-Gropius-Bau à Berlin, et finalement en France nous sommes les seuls à avoir gardé cette identité. »
Rénové à la toute fin des années 1990, le musée penchait depuis davantage vers l’industrie que vers les arts : les trois fleurons industriels de la ville (la passementerie, les armes et les cycles) ont chacun leur étage désigné, dans une muséographie qui oscille entre le parcours technique façon « arts et métiers » et le musée de société. « Il s’agissait presque d’un écomusée », retrace la directrice, qui rend hommage au travail effectué par sa prédécesseure, Nadine Besse. « C’est toutefois une muséographie basée sur un PSC de 1994, un projet qui présuppose une industrie qui aujourd’hui n’existe plus, ce qui pose question. »
Avec l’exposition permanente « La mécanique de l’art », livrée fin novembre 2023 au terme d’un an de travaux, le musée réinjecte enfin de l’art dans ses salles. Car la Ville de Saint-Étienne ne dispose pas seulement d’ensembles techniques, mais aussi de belles collections d’art ancien endormies dans les réserves du Musée d’art moderne et contemporain (MAMC, dépendant de la Métropole). En début du parcours, des photographies du musée prises à l’aube du XXe siècle rappellent que le monde ouvrier stéphanois y vient surtout pour se former le regard devant des toiles et des objets d’arts décoratifs. Un dispositif multimédia, tout en ombres chinoises, invite poétiquement le visiteur à faire le lien entre motifs artistiques et objets techniques.
Dans la partie située en rez-de-jardin, rénovée lors de cette première phase, l’industrie du ruban est toujours la plus prégnante. Mais, si les grands métiers de passementerie (toujours en activité grâce à un médiateur) occupent une bonne partie des espaces, le nouveau parcours comporte également des objets de l’industrie du cycle et de l’armement, pour casser le cloisonnement en étage par domaine. Les premières salles de cette exposition permanente insistent sur les objets d’art, dont quelques trésors oubliés des collections stéphanoises : un petit cabinet en ivoire venu d’Inde, probablement réalisé pour un planteur de tabac, a ainsi fait l’objet d’une restauration minutieuse, après soixante-dix années passées sans avoir vu la lumière.
La partie beaux-arts est largement développée, mais également le discours technique, qui s’appuie désormais sur de grandes manipulations pédagogiques permettant de comprendre le fonctionnement des mécanismes utilisés dans l’armurerie, les cycles ou la passementerie. L’économie du territoire est abordée sous l’angle historique, mais aussi actuel avec la présentation des industriels locaux de la passementerie et de productions actuelles. Le lien avec les industries locales est un axe important des nouvelles orientations du musée, sur lequel la directrice est à la fois proactive et prudente : il s’agit de construire le parcours avec ces partenaires privés, et non pour eux, comme cela a pu être le cas lors d’expositions temporaires.
Dans les trois ans qui viennent, le sous-sol dévolu aux cycles, puis la grande collection d’armes à l’étage (deuxième collection nationale après celle du Musée de l’armée) complèteront cette refonte progressive, qui se doublera d’une intervention sur le bâtiment dont l’ampleur (rénovation, extension…) n’est pas encore fixée.
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Le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne affirme son identité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°625 du 19 janvier 2024, avec le titre suivant : Le Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne affirme son identité