PARIS
La Cour des comptes dresse un bilan honorable de la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental.
Paris. Après la politique de l’État dans le spectacle vivant, la Cour des comptes s’est attaquée à un autre « monument » du ministère de la Culture : le patrimoine monumental. Contrairement à son ton habituellement volontiers critique, elle fait ici preuve d’une retenue – toute relative – dans ses appréciations, consciente de l’immensité de la tâche.
Les magistrats commencent par faire ce qu’ils font le mieux, c’est-à-dire compter, pour s’agacer (comme à leur habitude) de l’imprécision et des lacunes dans les statistiques budgétaires. Si les crédits de paiement de l’État en faveur des monuments sont connus (385 M€ en 2019 et 687 M€ en 2021 grâce au plan de relance), ceux des collectivités locales restent encore estimés au doigt mouillé : environ 663 millions d’euros, soit plus que l’État lors d’une année normale. En y ajoutant les budgets patrimoine des autres ministères et les dépenses fiscales, la dépense publique a atteint au total 1,3 milliard d’euros en 2019. Les magistrats aimeraient bien que cette consolidation des chiffres soit réalisée et publiée par l’État. Quand aux chiffres eux-mêmes, sont-ils meilleurs ou plus faibles que ceux de nos grands voisins ? Impossible de le savoir.
Le volet le plus fouillé et le plus intéressant du rapport concerne le soutien technique apporté par l’État dans la protection des sites patrimoniaux appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés, et ce pour constater une tension (bien connue) entre l’offre et la demande. Les premières ne se sont pas encore dotées de services techniques suffisants, en particulier pour assurer la maîtrise d’ouvrage des monuments classés, dont les opérations de conservation leur incombent depuis la réforme de 2009. Il en résulte une sursollicitation des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (les Udap qui dépendent des Drac, les directions régionales des Affaires culturelles) et des conservations régionales des monuments historiques, lesquelles, malgré une augmentation de leurs effectifs, peinent à répondre à la demande technique. Pour désengorger le travail des architectes des Bâtiments de France (ABF), la Cour suggère de transférer aux collectivités locales l’instruction de l’« avis simple » de l’ABF, en abords de monuments historiques ou en sites. Une proposition refusée par le Premier ministre (à l’époque Jean Castex) dans sa réponse aux magistrats, mettant en évidence la non-pertinence de « confier à l’autorité appelée à se prononcer in fine l’émission d’un avis dont le sens peut contrarier le projet qu’elle souhaite autoriser ».
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les services déconcentrés de l’État manquent de temps pour apporter leur concours aux projets de revitalisation de centre-ville ou répondre aux demandes de conseils en valorisation de la part des propriétaires privés de châteaux. Ce que regrette la Cour, qui souhaiterait que l’État se montre plus volontaire en la matière. Enfin les magistrats s’inquiètent du nombre important de départs en retraite prochains d’architectes urbanistes de l’État et d’ingénieurs et techniciens.
Au fond, le plus important dans une politique patrimoniale est l’argent que l’État y consacre. On aurait aimé que la Cour s’engage davantage et dise si l’effort actuel est approprié compte tenu des enjeux contradictoires : nombre gigantesque de monuments à protéger et contraintes budgétaires fortes (soutenabilité de la dette).
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Politique patrimoniale : acceptable mais peut mieux faire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Politique patrimoniale : acceptable mais peut mieux faire