Politique

BUDGET 2022

Le fourre-tout du plan de relance

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2021 - 961 mots

FRANCE

Entre crédits budgétaires et investissements à plus ou moins long terme, les deux milliards d’euros « pour la culture » mélangent un peu tout.

Roselyne Bachelot-Narquin lors de la présentation de son projet de budget du ministère de la Culture pour 2022 © Photo Le Journal des Arts, le 22 septembre 2021
Roselyne Bachelot-Narquin lors de la présentation de son projet de budget du ministère de la Culture pour 2022.
© Photo Le Journal des Arts, le 22 septembre 2021

Au début de la crise du Covid-19, la communication du gouvernement sur les mesures de soutien au secteur culturel a eu du mal à se mettre en place et a longtemps été réduite à la visioconférence d’Emmanuel Macron de mai 2020 qui avait surtout servi à annoncer les mesures pour les intermittents du spectacle. Les choses ont commencé à changer avec l’arrivée de Roselyne Bachelot en juillet et l’annonce du plan de relance pour la culture en septembre, puis la présentation du projet de loi de finances (PLF) 2021 quelques jours plus tard. Depuis, les milliards volent et l’on s’y perd un peu : deux milliards pour le plan de relance, « 11,24 milliards qui iront à la culture en 2022 » selon la ministre, 8,64 milliards d’aides transversales [lire encadré ci-dessous]…

L’ambiguïté vient d’abord du mot « culture » qui, dans son acception budgétaire stricte, désigne la mission « Culture », mais aussi le budget du ministère du même nom et que, dans certaines circonstances, par commodité de langage, la ministre utilise pour parler aussi de la presse, de l’audiovisuel, ou des industries culturelles (IC) au sens large.

Sans méconnaître les rebondissements incessants d’une crise sanitaire ponctuée de confinements, ni la part culturelle des médias et des IC, il convient cependant de mettre un peu les choses au clair, en particulier en ce qui concerne le plan de relance. Dorénavant appelé « France Relance », sa dotation de deux milliards d’euros pour la culture n’a pas changé depuis un an. Il se compose en réalité d’1,6 milliard d’euros de crédits budgétaires et de 400 millions au titre du quatrième plan (ou programme) d’investissement d’avenir (PIA4). Le PIA n’est pas né de la crise du Covid, il est issu du rapport Juppé-Rocard de 2009 ; il sert à « financer des investissements prometteurs et innovants » et la première tranche a été lancée en 2010 sous Nicolas Sarkozy, avec un montant de 35 milliards. Une quatrième tranche a suivi en 2020, d’un montant de 11 milliards dont 0,4 pour la culture. Ces 400 millions seront en fait dépensés sur cinq ans, dont 100 millions « pourraient être » dépensés en 2021. « Pourraient » car pour l’instant, le programme est surtout constitué d’appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt (AMI), par exemple un AMI pour le développement de « solutions de billetteries innovantes ». En résumé, ces 400 millions ne vont pas arriver tout de suite sur le terrain.

Ce n’est pas le cas du 1,6 milliard restant, que l’exécutif s’est attaché à dépenser au plus vite pour faciliter la relance. Si une bonne partie de cette somme transite via le ministère, un peu plus d’un quart (28 %) va directement aux opérateurs financés par des taxes affectées (France TV, Centre national du cinéma, de la musique…). Tous les crédits ne seront pas dépensés en deux ans (2021 et 2022) comme annoncé, 68 % le seront certes en 2021, mais un reliquat de 42 millions est prévu en 2023.

Les opérateurs nationaux à la peine

L’ambiguïté la plus importante concerne cependant la destination du plan de relance. Jusqu’à présent, la sémantique gouvernementale distinguait les mesures d’urgence et les dispositifs pour relancer l’activité. Or 460 millions d’euros parmi les 891 millions du volet France Relance de la mission « Culture » vont financer la trésorerie défaillante des grands opérateurs qui ont perdu la plupart de leurs recettes commerciales avec le confinement ou l’absence de touristes. Selon le ministère, ces opérateurs (il y en aurait 68 selon la Cour des comptes) perdront un milliard d’euros de recettes commerciales entre 2020 et 2022. Les trois quarts du manque à gagner viennent des châteaux (Versailles) et musées nationaux (Le Louvre, Orsay…). Et comme ces 460 millions ne suffisent donc pas, ces opérateurs vont recevoir 234 millions d’euros en plus en 2021 dans le cadre d’un collectif budgétaire à venir (hors France Relance ), s’ajoutant aux 42 millions d’euros de la loi de finances rectificatives 3 (LFR3) pour 2020.

France Relance finance cependant des programmes d’investissements à court terme, soit la plupart du temps des travaux de restauration qui in fine irriguent les entreprises du secteur. 260 millions d’euros sont prévus à ce titre. Le château de Villers-Cotterêts qui doit accueillir la Cité internationale de la langue française, est le premier bénéficiaire de cette manne (100 millions), suivi du plan « Cathédrale » (80 millions) où 52 opérations sont engagées, puis du Centre des monuments nationaux (40 millions d’euros et 15 monuments concernés).

C’est également France Relance qui finance le programme de commande artistique (« Mondes nouveaux »), doté de 30 millions d’euros (20 en 2021) et dont les premiers bénéficiaires doivent être annoncés dans les prochains jours.

Mais à peine le plan de relance soufflait-il sa première bougie, que l’on annonçait un plan « France 2023 » doté de 100 milliards d’euros, dont la culture devrait aussi bénéficier. Son annonce a depuis été mise en sommeil pour ne pas brouiller les messages. On le comprend.

Tableau Minsitère de la culture - Dépenses ordinaires et plan de relance 2020-2023
Source : ministère de la Culture. CP : crédits de paiement, LFI : loi de finance initiale, PLF : projet de loi de finances, FR : France Relance (plan de relance)
© Le Journal des Arts

8,64 milliards d’euros d’aides transversales  

Covid-19. La présentation du PLF 2022 a permis d’en savoir un peu plus sur les aides transversales dont a bénéficié la culture en plus des aides sectorielles décrites ci-dessus. Le montant total des aides versées au titre du chômage partiel à fin août 2021 s’élève à 1,23 milliard d’euros au bénéfice de 72 000 structures. C’est un montant double (2,5 milliards d’euros) qui a été versé à 900 000 structures (TPE, indépendants) par le Fonds de solidarité. Pour atteindre les 8,64 milliards d’euros, le ministère prend enfin en compte les Prêts garantis par l’État (PGE) pour un montant de 4,2 milliards d’euros, ce qui est un peu abusif dans la mesure où cet argent ne sera versé aux banques que si l’entreprise bénéficiaire d’un PGE fait faillite.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°574 du 1 octobre 2021, avec le titre suivant : Le fourre-tout du plan de relance

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