MONTPELLIER-SÈTE
La candidature occitane, très tournée vers l’international, s’est efforcée de répondre au mieux aux remarques formulées par le jury sur son premier projet.
Montpellier-Sète (Hérault). Dans son rapport de présélection, le jury appelé à désigner la prochaine « Capitale européenne de la culture » en France avait glissé une petite remarque sur l’« européanité » de la candidature portée par Montpellier : peut-être devrait-elle se tourner davantage vers l’Europe du Nord… L’état-major de « Montpellier 2028 » ne se l’est pas fait dire deux fois, et quelques semaines après le passage de la ville en finale, voilà le maire et son équipe en route pour la Finlande. « Quand le maire est parti en Scandinavie, puis dans les pays Baltes, les gens, qui ne savaient pas trop situer, se demandaient “c’est où, Tartu ?” », se souvient le directeur artistique de la candidature, Nicolas Dubourg. Avec cette campagne électorale de terrain – qui a donc fait étape dans la deuxième ville d’Estonie, Tartu –, Montpellier comble les dernières lacunes de son programme, et vise le 20/20 sur le critère de la compatibilité avec les politiques européennes, un point scruté par le jury.
« On s’est emparés des attendus de l’Europe, du “pourquoi” elle a créé ce label, et tout cela nous stimule », explique Michaël Delafosse, maire (PS) de Montpellier. Sur l’une des exigences de la Commission européenne, Montpellier et Sète (Hérault), associées dans cette compétition, partent toutefois avec un désavantage : l’effet de levier escompté y sera toujours plus difficilement observable dans ces deux villes à la vie culturelle foisonnante qu’à Bourges (Cher) ou Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), concurrentes pour le titre. Pour la grande métropole du Midi, l’enjeu est plutôt de se faire le porte-drapeau des politiques européennes. « Dans le cycle du label, les grandes villes sont déjà passées, observe Fabrice Manuel, chargé du projet pour Sète. Aujourd’hui les programmes sont plus modestes. Pourtant l’Europe a besoin d’affichage, de capitales fortes. La France aussi a besoin d’une capitale forte. » Montpellier veut s’inscrire à contre-courant de cette évolution du label qui irait des grandes villes, capables de porter des projets internationaux, à des territoires moins connus. Un argument qui peut faire mouche : si « Athènes 1985 » fait partie de l’histoire de l’Union européenne, qui a entendu parler d’« Éleusis 2023 » ?
Côté réseaux européens, Montpellier a rattrapé son retard avant le dépôt de son second dossier de candidature, fin octobre. Réseau Eurocities, programme « On the move » consacré aux mobilités culturelles, et recherche de financements européens : la cité occitane muscle son jeu. Dans sa programmation culturelle, elle était, dès son premier dossier, tournée vers les enjeux européens et internationaux, au point que le jury s’inquiétait de voir disparaître l’identité locale de cette année « Capitale ». « Nous sommes sur une ligne de crête, explique Sophie Léron, directrice générale de Montpellier 2028. Sans renier sa portée internationale, il faut réancrer la candidature sur le territoire. » Fil rouge du second « bid book », l’idée de « carrefour » concilie l’ouverture assumée de Montpellier 2028 avec une histoire locale faite d’échanges depuis la fondation de la ville en 985, alors que ce gros bourg devient une plaque tournante entre Méditerranée et Europe du Nord.
Pour preuve de cette volonté d’ouverture internationale, l’Afrique occupe une place centrale dans la proposition montpelliéraine. De l’artiste camerounais Barthélémy Toguo au chorégraphe burkinabé Salia Sanou, la ville s’appuie dès aujourd’hui sur de grands noms africains pour porter son propos. En voulant faire de Montpellier un lieu de rencontre entre l’Europe et l’Afrique, la candidature s’empare cette fois à bras-le-corps des préoccupations énoncées par la Commission européenne : « Nous avons senti de l’intérêt pour ce sujet à Bruxelles, souligne Michaël Delafosse. Une directrice de département nous a dit “c’est un vrai sujet pour nous”. Ça tombe bien, on y travaille depuis quelque temps… »
Les jurés européens se montrent également sensibles à l’écosystème audiovisuel très dynamique de la ville (porté par le tournage de fictions télévisées), permettant de créer quelque 2 000 emplois pérennes.
Très politique, conceptuelle aussi, la candidature montpelliéraine peut apparaître verbeuse. « On risque parfois de se noyer dans les mots », reconnaît Sophie Léron. Pour rassurer un jury qui attend, certes, des objectifs compatibles avec l’Europe, mais aussi des garanties sur la faisabilité du projet, la Ville propose également du concret. Financièrement déjà, avec une rallonge de 7 millions d’euros sur le budget de fonctionnement (69 au total), afin d’inclure l’année 2029 et la question de l’héritage, si importante aux yeux du jury. Mais surtout, et bien qu’elle ait été la dernière à entrer dans la compétition, Montpellier peut présenter au jury des versions réduites de ce que seront les manifestations de 2028. Déjà deux campagnes d’appel à projets ont été lancées, en 2002 et 2023, dotées de 700 000 euros chacune, pour des interventions artistiques partout sur le territoire dans le cadre de la candidature, et une première biennale « Euro-Africa » a été organisée en octobre dernier en préfiguration de celle de 2028. « Nous sommes en phase de précandidature et avons déjà un bilan à présenter ! », se félicite Sophie Léron.
Finalement, c’est sur la question des grands événements que la métropole montpelliéraine restera peut-être en deçà de qui est attendu d’elle. Et ce volontairement, puisque Montpellier 2028 préfère investir dans le durable : les vingt-huit « Grandes traversées », soient des parcours artistiques disséminés sur le territoire, mixeront ainsi interventions pérennes et temporaires. Avec le programme « L’académie du futur », la candidature assume un projet majeur « pas flamboyant, mais structurellement lourd et important en termes d’héritage », qui associe sur le temps long une institution culturelle à un établissement scolaire du secondaire. Et dans l’investissement, les crédits sont fléchés vers des réhabilitations ou des institutions déjà existantes : 29 millions pour l’extension (1 000 m2) du Musée Fabre, 15 millions pour un centre de conservation au musée archéologique de Latte. Le quartier populaire de La Mosson en profitera également, avec un important volet artistique intégré à la rénovation urbaine coordonnée par l’Agence nationale (Anru).
Considérée par certains observateurs comme le « filet de sécurité » du jury, en cas de défaillance des autres compétiteurs, la candidature montpelliéraine se présente comme la meilleure ambassadrice de l’Europe, un « monstrateur inspirant » pour les Vingt-Sept, selon les termes de Nicolas Dubourg. « C’est comme un immense laboratoire où artistes, chercheurs, décideurs, entrepreneurs expérimentent de nouvelles façons de faire, explique-t-il. Et si ça marche sur un territoire comme le nôtre, ça veut dire que ça peut marcher à de plus larges échelles. » Et le maire de ponctuer la démonstration de son directeur artistique d’un : « New Bauhaus ! »– soit le grand projet culturel impulsé par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Décidément, Montpellier a bien révisé.
Montpellier
• Montpellier Méditerranée Métropole : 499 761 hab.
• 154 communes « M28 » : 900 000 hab.
• 1 bien Patrimoine mondial de l’Unesco (Saint-Guilhem-le-Désert)
• 106 monuments historiques
• 4 Musées de France à Montpellier, 13 dans les 154 communes
• 1 Frac Occitanie-Montpellier
• 1 Centre d’art contemporain (le Mo.Co Panacée, Montpellier)
• 1 École supérieure des beaux-arts (Montpellier)
• 1 Scène nationale (théâtre Molière Sète, archipel de Thau)
• 1 Centre dramatique national (Théâtre des 13 Vents, Montpellier)
• 1 Zénith, Montpellier
• 1 Scène de musiques actuelles (Victoire 2, Montpellier)
• 4 Sites patrimoniaux remarquables (à Montpellier ; à Sète ; Agde, Pézenas)
• 1 foire d’art contemporain (Art Montpellier)
• Investissement : 142 M€
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« Montpellier 2028 » se veut un carrefour entre l’Europe et l’Afrique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°621 du 17 novembre 2023, avec le titre suivant : « Montpellier 2028 » carrefour entre l’Europe et l’Afrique