Montpellier, Sète et plus de 150 autres villes ont réussi en un temps record à s’entendre sur des objectifs communs.
Occitanie. La Ville, l’agglomération, le Département, la Région : les Français connaissent ces différentes strates administratives. Mais depuis quelques mois, les Héraultais en découvrent une nouvelle – pour l’heure informelle –, surnommée « M28 », et qui comprend 154 communes du département regroupées en 8 intercommunalités. Fédérées derrière un projet culturel, une candidature au titre de « Capitale européenne de la culture » pour Montpellier, ces intercommunalités se mettent à envisager des politiques publiques communes. Comme une convention sur le trait de côte (ou limite entre la terre et la mer) pour les quatre agglomérations du littoral, un enjeu actuel majeur avec le recul du littoral et la montée des eaux, ou des accords autour des mobilités : « On est en train d’harmoniser nos billetteries de transports ! », se félicite ainsi Michaël Delafosse, maire de Montpellier. L’entente était encore considérée comme impensable avant le lancement de la candidature, dans ce territoire marqué par une conflictualité politique.
Symbole de cette ère des querelles de clocher, le nom de Georges Frêche (maire de Montpellier de 1977 à son décès, en 2010) est gravé pour toujours sur la plaque d’inauguration du Musée Fabre. De cet équipement culturel d’ampleur nationale au quartier nouveau d’Antigone dessiné par Ricardo Bofill, l’héritage de cette politique menée à couteaux tirés est prégnant. « Le conflit politique a toujours été utilisé comme un moteur ici, se souvient Fabrice Manuel, chargé de la candidature pour la ville de Sète. Mais aujourd’hui, on rentre dans un autre moment. » Les élus de l’Hérault n’ont eu que peu de temps pour se convertir à cette politique du dialogue et de la coopération.
Candidate déçue au premier titre de « Capitale française de la culture » (remporté en 2021 par Villeurbanne), Sète veut poursuivre l’aventure à l’échelon européen. François Commeinhes (DVD), qui y a entamé son quatrième mandat de maire, veut un budget à la hauteur de la compétition, budget que le port sétois de 44 500 habitants ne pourra abonder seul. Voilà comment un baron de la droite locale se tourne vers son jeune homologue socialiste montpelliérain pour proposer une candidature commune.
Cette « main tendue », Michaël Delafosse ne tarde pas à l’accepter. En octobre 2022, il a déjà fait sienne cette ambition de « relier par la Culture », non sans se départir d’une circonspection à l’idée de se lancer dans une compétition culturelle alors que la France se déconfine tout juste. Puis ce sont les intercommunalités de Lunel, d’Agde, d’Aigues-Mortes, et celles des contreforts ruraux des Cévennes qui s’associent à cette candidature de dernière minute, pour construire à toute vitesse une proposition commune : lancée en mars 2022, « Montpellier 2028 » devait rendre sa copie au jury le 3 janvier 2023. Une précipitation qui a, selon Fabrice Manuel, permis d’obtenir un consensus : « Tout a été voté à l’unanimité, souligne-t-il, c’est l’atout numéro un de notre candidature : quel territoire remporte une telle adhésion autour d’un projet culturel ? »
À Montpellier, le temps de la « splendide indifférence », selon les propres termes du maire, envers Sète et les intercommunalités alentour a été bousculé par ce projet culturel. C’est aujourd’hui l’échelle du bassin de vie qui est mise en avant par la candidature : elle réunit 900 000 habitants (contre 500 000 pour la métropole de Montpellier) dont la vie quotidienne est liée à celle de la préfecture de l’Hérault. Littoral touristique, vie citadine effrénée, périphéries-dortoirs et village ruraux sont reliés par ce projet, jusque dans le département voisin du Gard où la communauté de communes Terre de Camargue a rejoint ses voisins héraultais. « Notre référentiel, c’est la Capitale “Ruhr 2010” », indique Fabrice Manuel. Portée par la Ville d’Essen (Allemagne), cette année Capitale réunissait 53 communes à l’échelle du bassin de vie qu’est le territoire postindustriel de la Ruhr.
Dans la mise en œuvre du programme, une bonne dose d’autonomie est garantie aux collectivités et institutions culturelles participantes, afin de préserver cette fragile entente. Pour le duo moteur Montpellier-Sète, à la riche et complémentaire vie culturelle, l’ambition est d’inciter les communes alentour à se doter d’une politique en la matière. Dans cette équation, le directeur artistique, Nicolas Dubourg, endosse un rôle fédérateur, plutôt que de chorégraphe en chef, et les appels à projets (déjà utilisés en 2022 et 2023) doivent permettre de révéler des initiatives qui auraient échappé aux décideurs sétois et montpelliérains. « À Sète, à Montpellier, la dynamique on l’a déjà. Si on gagne, ce sont toutes les autres intercommunalités qui gagnent », veut croire Fabrice Manuel. Ce pari d’une cohésion autour de la culture pourra-t-il survivre à une défaite ?
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Une candidature consensuelle en Occitanie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°621 du 17 novembre 2023, avec le titre suivant : Une candidature consensuelle en Occitanie