Les voleurs ont emporté avec une grande violence des objets précieux qui seront sans doute disloqués.
France. Les deux braquages survenus à quelques heures d’intervalle au Musée Cognacq-Jay à Paris et au Musée du Hiéron à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) les 20 et 21 novembre, partagent beaucoup de points communs au point où l’on se demande si ce n’est pas la même équipe. Les voleurs ont opéré en pleine journée, alors qu’il y avait des visiteurs dans la salle n’hésitant pas à tirer des coups de feu en l’air à Paray-le-Monial pour effrayer les personnes. Dans les deux cas, les malfrats ont usé de violence pour soustraire les œuvres, brisant la vitre à Cognacq-Jay et démembrant la statue à Paray-le-Monial, intitulée Via Vitae, une œuvre précieuse de l’orfèvre parisien Joseph Chaumet, datant de 1904 et estimée entre 4 et 7 millions d’euros. Parmi les cinq boîtes et tabatières volées à Cognacq-Jay (voir ill.) et présentes dans l’exposition « Luxe de poche », deux avaient été prêtées par le Musée du Louvre. Cette violence rappelle le cambriolage spectaculaire à la foire de Maastricht en juin 2022 où quatre hommes (également) avaient fracassé des présentoirs et dérobé des bijoux.
Ce type d’agression violente est rendu possible parce que justement les voleurs visaient des objets faciles à emporter : des petites boîtes à Paris et des statuettes et pierres précieuses qu’ils ont extraites de la statue à Paray-le-Monial. On relève également la proximité des salles avec la rue facilitant la fuite, ce qui ne serait pas possible ou plus difficile dans les grands musées. Les spécialistes sont inquiets pour le devenir des objets volés, ils sont invendables sur le marché légal et même noir, mais les pierres précieuses peuvent être desserties de leur support et écoulées séparément.
Le cambriolage en plein jour n’est cependant pas le mode opératoire principal des voleurs d’objets d’art. Les vols spectaculaires ont souvent lieu la nuit. En janvier 2023, des individus ont pénétré par une simple échelle dans une salle du Musée Hébert en Isère dans la nuit du samedi au dimanche et ont emporté des bijoux de la princesse Mathilde Bonaparte. C’est également de nuit que des malfrats se sont introduits en mars 2015 dans le cabinet chinois de l’impératrice Eugénie au château de Fontainebleau et ont emporté une quinzaine d’objets dont la couronne royale, offerte par les ambassadeurs de Siam à Napoléon III. Les objets n’ont pas été retrouvés. Encore plus spectaculaire : en mai 2010, Tomic Vjeran, surnommé « l’Homme-araignée », arrive à entrer dans le Musée d’art moderne de Paris en escaladant les murs et s’enfuit avec plusieurs toiles estimées à l’époque à 100 millions d’euros. Le voleur a depuis été arrêté et condamné mais l’on n’a jamais retrouvé le commanditaire et encore moins les toiles.
Les voleurs ne sont pas toujours extérieurs au musée, comme en témoigne ce conservateur du British Museum qui a subtilisé pendant des années des objets archéologiques dans les réserves et les vendait sur eBay. En France aussi, de telles malversations peuvent se produire, comme ce fut le cas au Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse où le délégué à la conservation a volé quantité de foulards Hermès pour les revendre également sur eBay.
Cette énumération de vols laisse croire que le phénomène perdure et ce n’est pas faux. La plateforme ouverte du patrimoine (POP) du ministère de la Culture recense 3 152 objets volés et non récupérés. Un chiffre qui s’est gonflé avec l’obligation de récolement dans les musées, entraînant la prise en compte d’œuvres disparues, parfois depuis de longues années et dont les conservateurs avaient perdu la mémoire. Du temps où il faisait un bilan des objets volés dans les églises, la rue de Valois avait décompté 406 objets dérobés dans les établissements catholiques entre 2013 et 2022 parmi lesquels 163 avaient été récupérés. Ce taux plutôt flatteur n’est malheureusement pas le reflet de la réalité, le site d’Interpol – mondial – recense pas moins de 52 000 objets volés de toute nature.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les inquiétants vols aux Musées Cognacq-Jay et du Hiéron
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : Les inquiétants vols aux Musées Cognacq-Jay et du Hiéron