PARIS
Le recrutement des jeunes testeurs doit démarrer dans quelques jours. Le financement et la généralisation sont encore indéterminés.
La mesure la plus emblématique du programme culturel du candidat Macron va prendre plus de temps que prévu pour être mise en oeuvre. C’est l’impression qui domine à l’issue du point presse de la ministre jeudi matin. Il est vrai que le projet est ambitieux et plus complexe que ce que ses concepteurs avaient sans doute en tête au début.
Concrètement pour les jeunes bénéficiaires (l’année de leur 18 ans), le Pass Culture se présente sous la forme d’une application sur smartphone qui recense toutes les offres adhérentes : billets d’entrée au théâtre, cinéma, abonnements à des revues numériques, des sites de musique en ligne, de VOD, livres … L’utilisateur achète l’offre au montant indiqué, qui est alors débité de son compte de 500 €, et reçoit un code qui lui permet de s’abonner au site ou d’entrer dans le cinéma. L’offreur, quand il est rémunéré, on y reviendra plus tard, reçoit sur son compte bancaire le montant de la transaction.
Mais pour que tout cela fonctionne, il faut derrière l’application une plateforme informatique collaborative et transactionnelle très sophistiquée. Cette plateforme est en cours de développement par une équipe de 10 développeurs contractuels pilotée par Romain Delassus (X/Mines), responsable produit. La plateforme est collaborative en ce sens que les offreurs de services (musées, librairies, éditeurs, ...) y postent leurs offres. Et transactionnelle car elle organise tout le flux de commandes et de paiements. Si chaque bénéficiaire achète 10 offres, ce sont 8 millions de transactions que la plate-forme devra gérer chaque année. Comme pour le logiciel de Bercy de prélèvement des impôts à la source, celui-ci ne supportera pas le moindre bug. 10 développeurs, est-ce suffisant pour un tel projet dans de tels délais ? A suivre.
Mais l’application n’est qu’un moule à gaufres. Elle n’a d’intérêt que si on dispose par ailleurs de pâte à gaufres, en l’occurrence des biens et services culturels. Ce qui renvoie au financement de ces biens et services. Un rapide calcul, 800 000 jeunes x 500 € aboutissait à un budget de 400 millions d’euros. Une somme inimaginable quand on sait que le budget de la culture est de 2,9 milliards d’euros. Alors le ministère doit « ruser ».
Première « ruse », ne pas indemniser les offreurs de service numériques (journaux, musique, vidéo en ligne) dont le ministère estime qu’ils seront rémunérés en récupérant les noms et adresses de leurs jeunes clients qu’ils essaieront de convertir à l’issue de leur abonnement « Pass Culture ». Dans les calculs du ministère, cela permet de financer environ 40 % du budget. Pour les autres biens et services qui feront l’objet d’une rémunération des offreurs (les libraires, les cinémas, les théâtres…) le modèle économique est plus incertain. Ils ne seront sans doute pas indemnisés à hauteur du prix affiché.
Comment financer le reste, disons entre 150 et 200 millions d’euros ? Le ministère espère attirer des sponsors, par exemple des banques. Mais en l’état actuel du mécénat culturel, on ne voit pas comment les sponsors pourraient apporter plus de 10 à 20 millions par an. Pour l’instant le ministère refuse de communiquer des chiffres au prétexte que le projet est en pleine expérimentation. A Eric Garandeau qui pilote l’association de préfiguration de résoudre l’équation.
Justement, les durées d’expérimentation ne cessent d’être allongées. Le recrutement de 10 000 testeurs dans les 5 départements tests, doit démarrer la semaine prochaine. Les jeunes de ces 5 départements (Bas Rhin, Guyane, Hérault, Finistère, Seine Saint Denis) seront invités via les réseaux sociaux, les lycées, les médias à poser leur candidature sur le site pass.culture.fr. Le ministère espère 15 000 candidatures pour en sélectionner – via un algorithme - 10 000 représentatifs des jeunes d’aujourd’hui (sexe, situation scolaire, CSP déterminé en fonction de l’adresse …). L’objectif est de sélectionner ces 10 000 testeurs d’ici fin octobre. Chacun de ces testeurs pourra utiliser sa bourse de 500 € (le montant a finalement été augmenté) sur les offres disponibles. Un bilan sera alors fait en avril 2019. Après ? Eh bien après c’est un peu le flou. Le ministère ne veut pas se prononcer sur la généralisation à toute la France. Une mise en place progressive par département n’est pas exclue.
Si le projet prend du temps, c’est aussi parce qu’il offre de nombreuses opportunités que le ministère aimerait bien mettre en œuvre. Ainsi, en supposant que les collectivités territoriales, les Scènes nationales, les théâtres privés jouent le jeu et offrent des services, cette application est un formidable agenda géolocalisé. A l’inverse des sites de ventes de ligne qui proposent des offres correspondant à ce qu’aime l’internaute, ici c’est l’inverse, il s’agira de proposer des biens et services hors de la zone de confort du jeune. Bref le concept est prometteur, mais comme toujours, ce sont les détails qui vont générer une expérience utilisateur positive ou négative. Une histoire qui peut prendre des années.
Cet article a été publié le 6 septembre 2018 à 16h
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Le Pass Culture avance à tâtons
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