Restitutions

Le forum sur le patrimoine africain prend ses distances avec le rapport Sarr-Savoy

Par Francine Guillou · lejournaldesarts.fr

Le 8 juillet 2019 - 556 mots

PARIS

Le forum entérine le glissement de la « restitution » du patrimoine africain vers une « circulation », plus consensuelle.

Masques Ngil Fang, Afrique équatoriale, conservés au Musée du quai Branly. © Photo Jean-Pierre Dalbéra, 2017
Masques Ngil Fang, Afrique équatoriale, conservés au Musée du quai Branly. © Photo , 2017

Conservateurs, diplomates, universitaires, archéologues, historiens de l’art, anthropologues et ethnologues : environ 200 personnes étaient réunies à Paris le 4 juillet dernier pour participer au forum « Patrimoines africains. Réussir ensemble notre nouvelle coopération culturelle » organisé conjointement par les ministères des Affaires étrangères et de la Culture.

Ce colloque était attendu depuis la remise en novembre dernier du rapport de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr sur les restitutions d’art africain, suscitant une grande controverse dans le monde des musées et du marché de l’art par sa vision maximaliste. Le programme de la journée d’études semble avoir été construit pour rassurer les musées et éviter de parler de restitution. 

Dans son discours inaugural, le ministre de la Culture Franck Riester a ainsi résumé l’ambition de son ministère pour les musées : « Qu’ils partagent leurs chefs-d’œuvre, qu’ils les prêtent, qu’ils les déposent, qu’ils les fassent circuler », ayant bien pris soin de préciser que « rien ne serait plus étriqué que l’assignation des musées à rendre compte seulement de l’art créé sur leur sol, ou par des artistes nationaux. Ne reprochons donc pas à nos musées d’être ce qu’ils sont ».
 
Il n’a pas oublié de rassurer le marché de l’art et les collectionneurs privés. Pour le ministre, l’Etat « n’a pas vocation à prendre des mesures restrictives concernant les patrimoines africains détenus en mains privées, ni d’en limiter la circulation ou le commerce ».  

Annonçant vouloir aller vite pour la restitution de 26 œuvres d’art au Bénin annoncée en novembre dernier, Franck Riester a évoqué l’idée d’un dépôt et d’une exposition béninoise avant la promulgation d’une loi. Un empressement tempéré par José Pliya, directeur de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme béninois, intervenant du forum : « Il ne faut pas confondre immédiateté et précipitation ». Il souhaiterait en effet attendre l’inauguration d’un nouveau musée de site dans le périmètre des Palais royaux de Dahomey pour y exposer les œuvres.

En l’absence de Bénédicte Savoy et de Felwine Sarr, le forum a surtout été l’occasion pour le réseau diplomatique français de dresser un panorama de ses actions culturelles sur le continent africain. Restauration des églises de Lalibela en Ethiopie, reconstruction des mausolées de Tombouctou, mission archéologique en République démocratique du Congo, recherches sur l’art rupestre au Zimbabwe… Un inventaire certes passionnant mais n’abordant absolument pas les thématiques de matérialité, d’éthique ou de rapport à l’objet et aux collections soulevées dans le rapport Sarr-Savoy. 

Dans l’après-midi, deux tables rondes se sont succédé sur les enjeux muséaux, notamment les problématiques de recherches de provenance. Des débats studieux et prudents où le terme de restitution n’a été que rarement prononcé.

Un chiffre a cependant permis de mesurer l’immensité de la tache des conservateurs et des historiens. 1247 : c’est le nombre de fiches biographiques à documenter sur les donateurs pour l’Afrique au Quai Branly. Un immense travail de recherche sur les personnes et les missions officielles aux XIXe et XXe siècle s’annonce. 

Entre temps, la question des restitutions devra attendre, au profit de « circulations » d’œuvres aux contours encore flous. C’est en substance le message envoyé par le forum qui sans le dire, a pris ses distances avec les préconisations radicales du rapport Sarr-Savoy.
 

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