ETATS-UNIS
Depuis l’an dernier, les collectionneurs américains ne peuvent plus défiscaliser leur plus-value de cession d’œuvres d’art à travers le dispositif « 1031 ». Une mesure qu’Obama avait voulu instaurer.
États-Unis. La profonde réforme fiscale du président Donald Trump de décembre 2017 (la « Tax Cuts and Jobs Act »), dont on commence seulement à mesurer toutes les incidences, a porté un coup dur aux collectionneurs américains en leur fermant l’accès à une niche fiscale surprenante et mal connue en dehors du cercle des spécialistes, identifiée par le numéro de l’article du code fiscal fédéral qui la porte, le « 1031 ».
En principe, lorsqu’un collectionneur américain réalise une plus-value sur la cession d’œuvres d’art, détenues depuis un an ou plus, celle-ci échappe au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais se trouve imposée à un taux proportionnel de 28 % auquel s’ajoute, le cas échéant, la « Medicare tax », qui s’élève à 3,8 %. Ce taux de 28 %, propre aux cessions de biens de collection et œuvres d’art, est d’ailleurs plus élevé que le taux normal qui frappe les plus-values de cession de biens « ordinaires », comme l’immobilier ou les actions. On peut noter que le régime français est, en règle générale, plus intéressant puisqu’il permet d’arbitrer entre une taxe forfaitaire au taux global de 6,5 % sur le seul produit de la vente et un impôt proportionnel sur la plus-value au taux global de 36,2 %, mais dont l’assiette est diminuée d’un abattement pour durée de détention (de 5 % à partir de la troisième année, ce qui aboutit à une exonération au bout de vingt-deux ans).
Cependant, sous l’empire du « 1031 », lorsque le contribuable américain utilisait le produit de la cession d’un bien détenu à titre d’investissement pour acheter un autre bien de même nature (ex. : maison pour maison, peinture pour peinture), la plus-value échappait à l’impôt jusqu’à la cession du bien acquis en échange. Ces dernières années, les spécialistes du marché de l’art se sont approprié ce schéma, appelé « like-kind exchange », conçu dans les années 1920 pour… alléger le fardeau fiscal des agriculteurs voulant échanger leurs terres.
Les collectionneurs américains voulant procéder à des arbitrages au sein de leur portefeuille d’œuvres d’art bénéficiaient ainsi d’un outil idoine pour retarder la constatation de la plus-value, et donc, pour retarder l’impôt. En effet, une œuvre acquise pour 100 000 dollars [88 000 €] et vendue pour 1 million de dollars dégage une plus-value imposable de 900 000 dollars (et un impôt potentiel jusqu’à 286 200 $). Cependant, en utilisant le produit de la vente pour acquérir une autre œuvre pour 1 million de dollars, le contribuable échappait à l’impôt sur les plus-values. Certes, ce sursis pouvait n’être que temporaire puisque, en cas de revente ultérieure du bien acquis en remplacement, la plus-value se calculait en déduisant du prix de revente le prix d’achat « historique » (soit 100 000 $, dans cet exemple). Mais rien n’empêchait que le contribuable répète l’opération en achetant une autre œuvre en remplacement. Mieux, en conservant les œuvres jusqu’à son décès, le contribuable faisait bénéficier ses héritiers d’un effacement complet de la plus-value, puisque, aux États-Unis comme en France, le prix d’acquisition d’un bien acquis par succession est égal à sa valeur vénale au moment du décès.
Peinture pour peinture
Il y avait certes des conditions à remplir. Ainsi, les œuvres remplacées devaient être détenues à des fins d’investissement et être de même nature (peinture pour peinture, sculpture pour sculpture mais non peinture pour sculpture). En revanche, les différences de style ou d’époque étaient indifférentes (il était possible de remplacer une peinture de Van Gogh par celle de Warhol). Aussi le contribuable disposait-il de cent quatre-vingts jours pour accomplir l’« échange » en acquérant la nouvelle œuvre. Durant cette période, il lui était interdit de disposer des fonds provenant de la vente de l’œuvre remplacée. Il devait donc, de fait, recourir aux services d’un intermédiaire qualifié qui détenait les fonds sur un compte bloqué. Habituellement, des cabinets de conseil dans la gestion du patrimoine culturel s’en chargeaient, en offrant à leurs clients un service clé en mains. Ils ont ainsi perdu un marché important.
La réforme fiscale de décembre 2017 exclut les œuvres d’art du bénéfice du « 1031 ». Le dispositif n’est pas abrogé, mais se limite désormais aux opérations sur les biens immeubles, en favorisant seulement le marché de l’immobilier. En toute objectivité, sur ce point précis, le président Trump a donc opportunément réussi là où son prédécesseur a échoué. En effet, un projet de réforme de l’administration Obama, intégré au budget 2016, avait déjà tenté d’exclure du « 1031 » les cessions d’œuvres d’art et de biens de collection, mais s’était heurté à l’opposition du Congrès.
En soumettant pleinement les cessions d’œuvres d’art au droit commun de l’imposition des plus-values, le législateur américain a certainement porté un coup au marché de l’art américain en restreignant potentiellement le nombre de cessions. Au regard du coût fiscal, les contribuables peuvent désormais hésiter avant de vouloir modifier la composition de leur collection.
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La réforme fiscale de Donald Trump ferme une niche favorable au marché de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : La réforme fiscale de donald trump ferme une niche favorable au marché de l’art