Galeries, entreprises ou fortunés soutiennent la création à leur échelle, avec parfois des visées spéculatives.
Il y a l’amateur modeste, qui commande une pièce à son ami plasticien. Il y a le spéculateur aguerri qui investit sur une star et le grand collectionneur accroché à son idée, à son cap. Il y a la galerie, fidèle promoteur et nouveau producteur. Il y a l’entreprise mécène, motivée par la loi de 2003. Comment s’articulent tous ces soutiens autour de l’artiste ?
Le collectionneur n’est pas un homme bien mis et silencieux, qui entre dans une galerie ou un salon, pointe du doigt un tableau, sort son chéquier et en prend possession. Pour beaucoup, il existe une satisfaction particulière à parier sur un projet, à financer, à permettre à une œuvre d’exister, de la petite photo à l’installation monumentale. Toutes échelles confondues, le collectionneur est sans doute le plus grand financeur privé de la création. Lorsqu’on monte dans les hautes sphères du marché de l’art, on relève que plus aucune grande exposition contemporaine, publique ou privée, présentant des créations nouvelles, ne se ferait sans le concours direct de collectionneurs qui « préachètent » des œuvres.
Préacheter pour produire
Pour les expositions au château de Versailles, les proportions varient, pas le modèle économique : pour payer des coûts de productions importants (autour d’un million d’euros), environ la moitié des œuvres de Jeff Koons, Xavier Veilhan ou Giuseppe Penone ont été achetées sur projet. Collections privées et publiques sont ainsi sollicitées a priori pour acquérir une pièce monumentale, à une somme proche du prix de revient, avant qu’elle n’acquière de la valeur dans la cour du château… L’autre moitié des pièces est produite par l’artiste et sa galerie, qui parient sur la visibilité à venir et l’effet d’entraînement des premiers achats déjà négociés. Le modèle est repris pour tous les grands événements, biennales en tête.
Pour les galeries, le phénomène se limite au sommet de la pyramide. Une petite quarantaine en France a aujourd’hui la trésorerie nécessaire pour produire des œuvres (voir « galeriste, marchand et producteur », JdA n° 399, du 18 octobre 2013) et (co)produire l’exposition d’un artiste dans une grande institution. Elles y consacrent entre 5 et 15 % de leur chiffre d’affaires, soit plusieurs millions d’euros par an sur la place de Paris. Dans d’autres cas, elles remboursent aux Frac les coûts de productions si elles vendent les œuvres après l’exposition. Un financement a posteriori, sans le risque. Les époux de Noirmont n’ont-ils pas laissé le métier de galeriste pour « se consacrer à la production » ?
Aux côtés des galeristes et collectionneurs, la tradition anglo-saxonne et la loi de 2003 sur le mécénat ont fait émerger un autre acteur : les entreprises. Ces nouveaux mécènes choisissent de consacrer un budget souvent modeste, parfois important, à sélectionner des projets puis financer des œuvres. Sur les 80 aides privées recensées par le CNAP (1) (Centre national des arts plastiques), seul un tiers finance la création, stricto sensu (Audi, MAIF, Meurice…). Le volume budgétaire agrégé reste donc très limité, malgré une moyenne des dépenses par artiste élevée, supérieure à 15 000 euros (les prix récompensant une œuvre existante plafonnent plutôt entre 3 000 et 5 000 euros).
Produire représente un engagement plus fort. Dans ce paysage, la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP, fondation privée reconnue d’utilité publique) est un cas unique : elle verse jusqu’à 600 000 euros par an à une quarantaine de projets. Soit le montant des aides individuelles de la DGCA et davantage que tous les autres prix réunis. Cela représente une centaine d’artistes soutenus sur trois ans.
(1) 140 Aides privées et publiques en faveur des artistes, CNAP.
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La production privée, sport de riches
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : La production privée, sport de riches