Kiev paye un lourd tribut à l’invasion russe, tandis que les annulations se multiplient en Russie et Europe.
Alors que des centaines de milliers d’Ukrainiens ont fui et que d’autres à Kiev, à Kharkiv sont encerclés par les troupes russes qui ont commencé à bombarder des habitations de civils, les biens culturels sont menacés et les manifestations suspendues ou annulées. Les musées sont naturellement fermés et le ministère de la Culture ukrainien a demandé aux journalistes de ne pas donner d’informations sur les mises à l’abri en cours des pièces les plus importantes des collections. Il a par ailleurs dénoncé la destruction du Musée d’histoire et des traditions locales d’Ivankiv, réduit en cendres, dans la région de Kiev qui abritait une vingtaine d’œuvres de l’artiste ukrainienne Maria Prymachenko.
En Russie, ce ne sont pas les bombes qui paralysent ou endommagent la vie culturelle mais les sanctions des pays occidentaux. Jamais les mesures de rétorsion n’avaient été aussi massives, coordonnées et diverses : interdiction de vols des compagnies aériennes russes, blocage des avoirs à l’étranger de la Banque centrale russe et de nombreux oligarques russes, exclusion de plusieurs banques russes du système financier Swift, expulsion de la Russie de plusieurs compétitions sportives (Coupe du monde de football…) et culturelles (Eurovision). Dans ce contexte, plusieurs manifestations ont été annulées, à l’instar d’une grande exposition sur Christian Boltanski qui devait se tenir à partir du 12 mars à Saint-Pétersbourg. Par ailleurs, il est probable que la 45e session de l’Unesco sur le patrimoine mondial qui doit se tenir en juin prochain à Kazan en Russie, soit déplacée ailleurs.
Si ces annulations sont plus ou moins les conséquences pratiques des sanctions – ne serait-ce que pour l’impossibilité de transporter les œuvres –, elles témoignent aussi d’un début de solidarité de la population russe à l’égard de l’Ukraine. Le Garage Museum of Contemporary Art de Moscou a ainsi décidé « d’arrêter toute activité liée aux expositions tant que la situation humaine et politique en Ukraine perdure ». Si les mots sont choisis, c’est que le musée appartient à l’oligarque Roman Abramovitch. Plus directs sont les artistes russes Alexandra Sukhareva et Kirill Savchenkov, ainsi que le commissaire Raimundas Malasauskas qui renoncent à organiser le pavillon russe de la prochaine biennale de Venise. « Lorsque des civils meurent sous les tirs de missiles, que des citoyens ukrainiens se cachent dans des abris et que des manifestants russes sont asphyxiés, il n’y a pas de place pour l’art », ont-ils déclaré.
Venise n’est pas la seule ville occidentale qui est concernée par la guerre. L’exposition « Diversity United », financée par l’Allemagne et la Russie, qui s’est tenue à Berlin l’été dernier et qui s’est déplacée à la Galerie Tretiakov de Moscou jusqu’au 13 mars, ne viendra pas en France comme prévu. Des questions commencent à se poser pour « Picasso et la Russie » qui doit être organisée en septembre prochain au Musée du Luxembourg, ainsi que pour la Collection Morozov, actuellement exposée à la Fondation Louis Vuitton. Si juridiquement et moralement la saisie de ces œuvres n’est pas concevable, leur acheminement de retour en Russie ne va pas être simple d’un point de vue logistique.
Les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie vont aussi bien au-delà de l’Europe, le département du Nord a ainsi suspendu le prêt de 280 œuvres du Musée Matisse du Cateau-Cambrésis… à la Chine (!) pour une exposition qui devait être organisée à Pékin et Shanghaï en 2022. Ce ne sont là que les premiers effets d’un conflit qui a fait entrer le monde dans une nouvelle ère.
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La Culture, victime collatérale de la guerre en Ukraine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°584 du 4 mars 2022, avec le titre suivant : La Culture, victime collatérale de la guerre en Ukraine