Justice - Restitutions

Hector Feliciano veut sa part

Par Martha Luftkin · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 661 mots

En publiant en 1995 Le Musée disparu, Hector Feliciano avait porté sur la place publique la question des œuvres d’art pillées par les nazis et avait ainsi contribué à retrouver nombre d’entre elles, notamment dans les musées. Les héritiers du marchand d’art Paul Rosenberg avaient grâce à l’auteur récupéré quatre tableaux ; à l’instar d’un inventeur de trésors, celui-ci réclame aujourd’hui sa part.

NEW YORK (de notre correspondante) - Un an après avoir gagné son procès face à la famille Wildenstein qui le poursuivait pour diffamation (lire le JdA n° 106, 26 mai 2000), Hector Feliciano s’appuie à son tour sur son livre pour saisir la justice. Il réclame ainsi aux héritiers du marchand d’art Paul Rosenberg 17,5 % de la prime accordée aux inventeurs de trésors pour les tableaux qu’il a contribué à retrouver. Il a en effet permis à la famille de récupérer plusieurs œuvres d’art volées par les nazis au sein de la collection que Paul Rosenberg avait dû abandonner en fuyant la France en 1940. Selon les termes de la plainte, déposée devant un tribunal fédéral de Manhattan, Hector Feliciano réclame 6,8 millions de dollars (49 millions de francs) de dommages et intérêts en récompense des recherches entreprises pour le compte de la famille Rosenberg, à la demande de la belle-fille du marchand, précise-t-il. Les 17,5 % de prime ont été calculés à partir des “tarifs généralement pratiqués dans le monde de l’art en matière de restitution d’œuvres d’art”, et s’appliquent à un total estimé de 39 millions de dollars pour l’ensemble des tableaux que l’auteur a pu retrouver au prix d’un travail intense et “avec la promesse d’être rémunéré”. Sont notamment mis en cause les ayants droit du fils de Rosenberg, Alexandre, et la femme de ce dernier, Elaine.

En 1995, la publication du Musée disparu avait enrichi de façon significative les connaissances relatives au pillage d’œuvres d’art par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, et provoqué une prise de conscience publique. Avant son entrée en lice, explique Hector Feliciano, la famille du marchand “avait cessé de rechercher systématiquement les œuvres d’art volées de la collection Rosenberg”. Quand il rencontre Elaine Rosenberg pour la première fois en 1994, ajoute-t-il, ils évoquent les qualifications d’Hector Feliciano dans le domaine de la restitution d’œuvres d’art volées par les nazis. Lors d’autres discussions en 1995, Elaine Rosenberg lui déclare que s’il pouvait aider la famille à retrouver certaines des œuvres pillées, et si quelques-unes d’entre elles pouvaient être restituées, “il serait récompensé financièrement pour son travail”. Bien qu’aucun montant n’ait été explicitement fixé pour sa récompense, Hector Feliciano “prévoyait que la prime se chiffrerait entre 10 % et 25 % de la valeur des œuvres”. Au cours des années suivantes, l’auteur a occupé “des milliers d’heures” à l’élaboration d’une liste recensant les œuvres d’art perdues de la famille Rosenberg, et à tenter de les localiser. Parmi les 67 œuvres identifiées et inscrites sur cette liste, 64 restent introuvables, ajoute-t-il. En 1997, la famille a pu retrouver une Odalisque de Matisse, qui appartenait à la collection du Seattle Art Museum, grâce au “travail intense” d’Hector Feliciano (lire le JdA n° 69, 9 octobre 1998) et à la “publication délibérée” de l’œuvre dans son livre. Après sa restitution, ce tableau a été vendu entre 8 et 10 millions de dollars. Il a également permis la récupération d’un Monet de la série des Nymphéas (lire le JdA n° 83, 14 mai 1999) vendu entre 20 et 25 millions de dollars, du tableau Femme en rouge et vert de Fernand Léger, conservé au Centre Pompidou, et d’un Bonnard estimé 1 à 2 millions de dollars. Par ailleurs, Feliciano aurait aussi conseillé l’avocat de la famille Rosenberg.

La plainte comprend une liste de 63 œuvres disparues qu’Hector Feliciano a identifiées comme ayant appartenu à la collection de Paul Rosenberg, et qui n’ont pas été retrouvées. Il plaide la rupture de contrat, l’enrichissement abusif, la fraude et demande des compensations pour le travail effectué.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Hector Feliciano veut sa part

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