L’Odalisque de Matisse est au centre d’un conflit opposant les héritiers de Paul Rosenberg et le Musée de Seattle. Le tableau, pillé pendant la guerre, lui a été légué par la famille Bloedel, qui elle-même l’avait acquis auprès de la galerie Knoedler. Si le musée doit rendre l’œuvre, il veut se retourner contre le marchand.
SEATTLE (de notre correspondante). Identifiée par les héritiers du marchand d’art Paul Rosenberg grâce à l’ouvrage d’Hector Féliciano, Le Musée disparu, l’Odalisque de Matisse, pillée pendant la guerre, a donné lieu à diverses tractations avec le Seattle Museum of Art (SAM), avant qu’en dernier ressort, les Rosenberg ne réclament leur bien devant la justice (lire le JdA n° 65, 28 août). Le SAM refusait de transiger tant que Knoedler, qui avait vendu le tableau aux donateurs, refusait de coopérer. Dans une requête déposée devant la Cour fédérale américaine, le musée considère que, s’il devait restituer le Matisse, il exigerait des dommages et intérêts de Knoedler-Modarco Inc., car les donateurs – les Bloedel – lui auraient transmis leurs droits à l’encontre de Knoedler, qui leur avait cédé l’œuvre en 1954. Le marchand leur avait alors affirmé que la toile appartenait auparavant à la famille Matisse, alors même, affirme le musée, qu’il connaissait la provenance Rosenberg.
À leur mort, les Bloedel l’ont léguée au SAM, ce qui signifie que celui-ci n’a pas contracté avec Knoedler et soulève un problème de taille : un musée qui reçoit en donation une œuvre d’art peut-il poursuivre en justice le vendeur précédent si le titre de propriété du donateur recèle un vice caché ? Stuart Dunwoody, du cabinet juridique Davis Wright Tremain à Seattle, explique que les revendications du musée contre Knoedler sont fondées sur son statut de légataire de la succession Bloedel, tandis que Lewis Clayton, du cabinet new-yorkais représentant le marchand, conteste leur validité. “Je ne connais pas un seul cas dans lequel la cour ait reconnu que ces garanties se transmettent comme un héritage, a-t-il déclaré. Je ne crois pas que le musée soit autorisé à revendiquer un droit contre Knoedler, car nous n’avons pas traité avec le musée”. Selon lui, la galerie a “agi de façon parfaitement appropriée” lors de la vente. Knoedler a vendu le Matisse aux Bloedel pour environ 18 000 dollars en 1954. L’Odalisque vaut aujourd’hui des millions, et si le musée perd le tableau, il veut que Knoedler le lui rembourse au prix actuel. Si le SAM reprend effectivement à son compte les revendications des Bloedel, demeurent la question de la prescription et la définition du dommage.
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L’Odalisque volée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : L’Odalisque volée