Réclamée par les héritiers du marchand Paul Rosenberg, l’Odalisque de Matisse leur a finalement été rendue par le Seattle Museum of Art, après un an de tergiversations. En Autriche, l’État, qui avait restitué aux Rothschild les œuvres de leur collection conservées dans les musées, s’en est vu offrir deux par l’héritière. Le reste sera dispersé chez Christie’s, dont une commode convoitée par Versailles.
SEATTLE/VIENNE - Après presque un an de tergiversations (lire le JdA n° 68, 9 octobre 1998), les membres du conseil d’administration du Seattle Art Museum (SAM) ont voté à l’unanimité la restitution d’une Odalisque (1928) de Matisse à la famille du marchand Paul Rosenberg, dont les biens avaient été pillés pendant la Seconde Guerre mondiale. Un rapport de l’Holocaust Art Restitution Project, commandé par le SAM, a sans doute fait pencher la balance. Légué au musée par Prentice Bloedel, à sa mort en 1996, le tableau avait été acquis par ce dernier auprès du marchand Knoedler, qui avait caché son origine frauduleuse. Les avocats avaient imaginé une stratégie triangulaire : les Rosenberg engageaient une procédure contre le musée pour récupérer le tableau, puis celui-ci se retournait contre Knoedler pour obtenir un dédommagement. Mais le marchand a refusé, car le SAM n’était nullement en position de réclamer une compensation pour une œuvre qu’il n’avait pas achetée.
La directrice du musée, Mimi Gardiner Gates, étant l’épouse du père de Bill Gates, l’homme le plus riche du monde, beaucoup avaient espéré que Gates père ou fils mettraient un terme à la querelle en achetant le Matisse aux Rosenberg à sa valeur estimée de 2 à 4 millions de dollars (12,75-25,5 millions de francs). Aucune offre n’a jamais été faite. Pour Mimi Gates, la décision prise par son institution était “la meilleure chose à faire” ; elle ajoute qu’elle continuera sa bataille juridique afin d’obtenir des dédommagements. Le SAM ne possède plus à présent dans ses collections que quatre œuvres de Matisse de moindre valeur : deux dessins, une sculpture et une huile sur toile de petit format.
L’Autriche et les Rothschild
En application de la loi ordonnant aux musées de restituer les objets d’art en leur possession volés par les nazis, Bettina Looram-Rothschild, héritière de la branche autrichienne de la famille de banquiers, avait récupéré au début de l’année trois portraits de Frans Hals, des instruments de musique et des pièces d’une collection d’armes. Reconnaissante, elle vient d’offrir au Kunsthistorischesmuseum de Vienne, un portrait du comte autrichien Philipp Ludwig Weizel Sinzendorf, peint par Hyacinthe Rigaud en 1728, ainsi qu’une canne d’un aristocrate autrichien fabriquée à la fin du XVIIe siècle en Allemagne.
Toutefois, une grande partie des œuvres rendues par le gouvernement autrichien aux Rothschild sera dispersée par Christie’s, le 8 juillet à Londres. Parmi les nombreux lots de cette collection réunie par les barons Albert et Nathaniel von Rothschild, figure une inestimable commode de Jean-Henri Riesener, livrée en 1778 pour le cabinet de retraite de Louis XVI à Fontainebleau. Un an plus tard, ce meuble avait été transporté à Versailles, où l’Association des amis de Versailles aimerait bien le voir revenir. Elle vient de lancer un appel pour mobiliser les fonds nécessaires à l’acquisition de ce chef-d’œuvre de l’ébénisterie, estimé 1,5-2,5 millions de livres sterling (15-25 millions de francs). “Le manquer serait une faute grave au regard de la politique menée par Versailles depuis quarante ans”, souligne Olivier de Rohan, président des Amis de Versailles.
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Les restitutions continuent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Les restitutions continuent