Nomination - Politique culturelle

Comprendre les nominations des directeurs des opérateurs nationaux

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2024 - 836 mots

Un sujet sensible dans le contexte d’une cohabitation entre le président de la République et le Gouvernement.

1. Président de la République, ministre de la Culture, qui décide ?

« Sur proposition du ministre de la Culture, le président de la République a nommé... » : cette formulation habituelle pourrait résumer tout ce qu’il y a à savoir sur le processus de désignation des directeurs ou présidents de la centaine d’opérateurs culturels nationaux ainsi que des têtes des trois directions générales de la Rue de Valois. Comme le prévoit l’article 13 de la Constitution, le président est dépositaire du pouvoir de nomination ; il le fait par décret, en Conseil des ministres, sur proposition du ministre de la Culture. Deux décisions du Conseil d’État (26 mars 1978 et 10 mars 1959) considèrent cependant ce pouvoir de proposition du ministre comme contraignant : le président de la République peut accepter la proposition du ministre, demander une nouvelle proposition, ou ne pas pourvoir le poste. Pour quelques opérateurs nationaux, la nomination du directeur se fait par simple arrêté du ministre, après validation du conseil d’administration de l’opérateur, et non par décret présidentiel : c’est le cas du Musée Rodin, ou de l’École du Louvre. Les procédures sont les mêmes pour les nouvelles nominations ou les renouvellements de mandat.

2. Que se passe-t-il en cas de « cohabitation » ?

Dans l’hypothèse d’une cohabitation, le Premier ministre et le président de la République se partagent le pouvoir de nomination dans ce qui peut devenir un terrain d’affrontement. À la veille de la première cohabitation, l’ancien président de la République, François Mitterrand, avait élargi la liste des postes dont la nomination se fait par décret du « PR » , et non par arrêté du ministre. Parmi eux, la direction de plusieurs établissements culturels, dont le Grand Louvre, la Cité des sciences et de l’industrie, l’Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette ((EPPGHV) ou l’Opéra Bastille. L’équilibre des pouvoirs est toutefois propice aux tractations, ou au statu quo : pour faire nommer ou renouveler ses candidats, le président de la République doit obtenir l’aval du Premier ministre pour parapher sa décision. Inversement, le gouvernement ne peut imposer une nomination à ces postes réservés sans décret du président. Les ministres conservent, en théorie, l’initiative de la proposition.

3. Des procédures de recrutement trop peu codifiées

La sélection des candidats à la direction des opérateurs de la Culture reste encore très vaporeuse. Un processus avait été mis en place par la ministre de la Culture de François Hollande, Aurélie Filippetti, qui souhaitait même aller un cran plus loin en impliquant le parlement dans les auditions des candidats. Pour la direction des Beaux-Arts de Paris, la ministre Fleur Pellerin avait par exemple proposé l’artiste Jean-Marc Bustamante au président de la République après consultation d’un comité de professionnels ad hoc. En règle générale, un jury constitué de hauts fonctionnaires de la Rue de Valois est constitué, chargé d’auditionner les candidats spontanés ou invités à candidater et de faire des recommandations au ministre. Le conseiller culture du président de la République est très souvent impliqué dans la liste des candidats. Emmanuel Macron comme parfois ses prédécesseurs tient à rencontrer les finalistes.

Ces procédures plus ou moins ouvertes peuvent toutefois décourager certains candidats qui ne souhaitent pas faire savoir à ses équipes qu’ils souhaitent partir. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) exerce un contrôle contraignant sur ces nominations, et dans un cas bien précis : celui du recrutement d’une personne venue du secteur privé.

4. La durée des mandats et leur renouvellement

La durée des mandats a été largement harmonisée par la ministre Fleur Pellerin, dans un décret d’octobre 2015, ramenant la grande majorité des postes de direction à un mandat de trois ans, renouvelable deux fois. Quelques exceptions existent : à la BNF, au Musée d’Orsay, ou au château de Versailles, le premier mandat est de cinq ans, renouvelable par deux périodes de trois ans. La grande majorité des titulaires des postes de direction qui en font la demande sont renouvelés, même après un changement d’exécutif. Avec des exceptions notables, à l’instar de Jean-Luc Martinez, dont la demande de renouvellement à la tête du Louvre n’a pas abouti, au profit de Laurence des Cars.

5. L’intérim : un dépassement qui engendre un risque légal

L’exemple de Catherine Pégard, qui était encore en poste à la présidence de l’établissement public du château de Versailles un an et demi après l’échéance de son dernier mandat, démontre que l’exécutif peut également décider de maintenir un directeur au-delà de la durée légale de son mandat, et de la limite d’âge dans la fonction publique qui est de 67 ans. Ce cas de figure fait toutefois peser des risques légaux importants sur toutes les décisions prises par le président ou directeur en situation d’intérim irrégulier. Ce fut le cas à Versailles, où plusieurs sanctions à l’encontre d’agents ont été contestées, et annulées devant la justice, sur la base de l’incompétence légale de la présidente par intérim.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : Comprendre les nominations des directeurs des opérateurs nationaux

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