WASHINGTON / ÉTATS-UNIS
Après deux musées consacrés, l’un aux Latino-Américains, l’autre aux femmes américaines, ce troisième projet est tourné vers les cultures des Américains d’Asie et du Pacifique.
Washington, DC. Le 27 avril, une loi ouvrant la voie à la création à Washington, DC d’un « Musée national de l’histoire et de la culture des Américains d’Asie et du Pacifique » a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des représentants des États-Unis. Porté par la représentante démocrate Grace Meng, élue du quartier du Queens, à New York, le texte fait maintenant route vers le Sénat. Si, comme on peut s’y attendre, les sénateurs l’approuvent à leur tour, une commission de huit membres, nommés par les chefs de la majorité et de l’opposition au Congrès, aura dix-huit mois pour rédiger un rapport dessinant les contours de la future institution : le groupe devra proposer un projet scientifique et culturel pour le musée, estimer le coût des acquisitions, dresser une liste d’œuvres et d’objets à réunir, étudier de possibles emplacements et enfin évaluer le montant des levées de fonds nécessaires.
« Je suis né et j’ai grandi dans ce pays et pourtant je n’ai pas l’impression d’en avoir appris assez ou que nos enfants en apprennent assez au sujet des contributions et des souffrances de la communauté asio-américaine », explique Grace Meng. Elle voudrait que le futur musée rende hommage à cette population de près de 22 millions d’habitants trouvant leurs racines dans plus de vingt pays de l’Asie-Pacifique, en ne négligeant rien de son histoire : depuis le Chinese Exclusion Act de 1882, qui a interdit pendant vingt ans l’entrée sur le territoire américain aux travailleurs chinois, jusqu’à la plus récente vague d’agressions anti-asiatiques dans le contexte des premières restrictions liées au Covid-19. « Nous devons nous assurer d’être aussi inclusifs que possible », commente la représentante.
La commission devra aussi se prononcer sur une question cruciale : le futur musée doit-il ou non rejoindre la Smithsonian Institution ? Ce vaste complexe scientifique et éducatif public, qui a son siège à Washington, regroupe déjà dix-neuf des plus grands musées du pays, dont le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines qui a ouvert ses portes en 2016. Pour Grace Meng, ce dernier est un modèle : inauguré en grande pompe par le président Obama dans un imposant bâtiment conçu par David Adjaye et situé à deux pas de la Maison Blanche, il donne à la communauté noire un lieu d’une grande importance symbolique.
Si le Musée national de l’histoire et de la culture des Américains d’Asie et du Pacifique est approuvé, ses partisans souhaiteront qu’il soit incorporé à la Smithsonian, gage de prestige, et logé près du musée afro-américain, sur le National Mall, la grande artère de verdure monumentale qui fend la capitale américaine et au bord de laquelle sont situés ses musées parmi les plus visités. C’est là, déjà, que l’on cherche à glisser, avec moult difficultés, deux nouveaux musées de la Smithsonian : le « Musée national des Latino-Américains » et le « Musée de l’histoire des femmes américaines », tous deux approuvés par le Congrès fin 2020 et qui devraient voir le jour d’ici dix ans.
Au bord du Mall, les emplacements se font pourtant rares. En cause, la multiplication des musées « communautaires » depuis l’inauguration, en 2004, du Musée national des Indiens d’Amérique. « Si nous ne figurons pas sur le Mall, c’est comme si nous étions des citoyens de seconde zone », admet l’acteur John Leguizamo, membre du conseil d’administration des Amis du Musée des Latino-Américains, qui refuse toute autre suggestion d’emplacement.
Le vote de la loi préfigurative à la création du musée asio-américain intervenant dans un contexte de violence en hausse à l’égard de cette communauté depuis le printemps 2020, difficile d’imaginer que l’institution ne figure pas sur le Mall, au risque d’établir une périlleuse hiérarchie entre communautés. Il faudra de toute façon plusieurs années, voire décennies, avant que le musée n’ouvre ses portes aux visiteurs : le Congrès se ménage donc du temps pour trouver une solution.
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À Washington, les Asio-Américains aussi auront leur musée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : À Washington, les Asio-Américains aussi auront leur musée