VENISE / ITALIE
Après l’incident du 1er juin impliquant un navire de croisière hors de contrôle heurtant un quai, le tourisme de masse qui, autant que les eaux, submerge Venise refait polémique. Le maire se tourne vers l’Unesco.
Venise. « Je trouve ça triste à pleurer mais je vais écrire à l’Unesco pour que Venise soit inscrite sur sa Liste des sites en péril », se lamente le maire, Luigi Brugnaro, qui lance un appel au secours en se disant « abandonné par un ministre des Transports qui ne nous est d’aucune aide. Venise est en danger ». Le dernier exemple en date remonte à un mois lorsque, le 1er juin, une catastrophe a été évitée de justesse. Hors de contrôle, le MSC Opera, navire de croisière de 275 mètres de long, heurte un quai et une navette fluviale sur le canal de la Giudecca. Si le bilan n’est que de quatre blessés légers sans dégâts matériels, celui de la perte de crédibilité est bien plus lourd. Que font des géants des mers en plein centre de Venise ?
C’est la question qu’a déjà posée l’Unesco à son maire en le convoquant en 2017. Ce dernier avait multiplié les promesses face à la menace que sa ville soit inscrite sur la liste visant à protéger les sites du patrimoine mondial en péril. Une mesure adoptée en cas de catastrophes naturelles ou de conflits armés.
La cité des Doges est doublement menacée. Par la montée des eaux due au réchauffement climatique, mais également par la hausse exponentielle des flux touristiques. Ces derniers représentent presque 30 millions de visiteurs par an, soit à peu près 114 fois la population locale.
En 2017, l’Unesco demandait ainsi au gouvernement italien et à la municipalité de Venise de prendre des mesures pour protéger la ville avant 2021. Luigi Brugnaro a alors imposé l’an dernier un quota de 20 000 participants pour le carnaval et fait installer des portiques de sécurité afin de contenir l’afflux des touristes à l’occasion du pont du 1er mai sur la place Saint-Marc. Il a lancé la campagne « Enjoy Respect Venezia » et fait voter une série de lois et d’amendes pouvant aller jusqu’à 500 euros à l’encontre des adeptes du tourisme « mordi e fuggi »– qui « mord et s’enfuit ». Ceux qui déambulent en maillot de bain, plongent dans les canaux ou détériorent l’espace public. Pour les contenir, une « contribution de débarquement » est à l’étude. Toute personne arrivant à Venise devra s’en acquitter et elle sera incluse dans le prix du billet de train ou d’avion. Mais la mise en place de cette taxe est complexe et les discussions avec les opérateurs amenant des touristes dans la ville sont longues et compliquées.
Parmi eux, les compagnies maritimes. Soit 600 paquebots et 1,5 million de passagers font escale chaque année dans la cité lacustre, altérant ses fragiles fondations par les remous qu’ils provoquent.
Après la tragédie du Costa Concordia en 2012 au large de la Toscane, leur interdiction dans le canal de la Giudecca avait été annoncée. Sept ans et cinq gouvernements plus tard, rien, ou presque, n’a été fait. Un plan avait pourtant été adopté par le gouvernement en 2017. Il prévoyait que les navires de 100 000 tonnes ou plus devaient être redirigés dès cette année, comme les porte-conteneurs et les pétroliers, vers la ville industrielle voisine de Marghera. Une option soutenue par la Mairie mais qui ne s’est pas concrétisée. Car, en la matière, l’hypocrisie règne. On demande avec véhémence à dérouter les paquebots pollueurs mais on accepte les croisiéristes qu’ils déversent ou qu’il faut ravitailler. Selon l’Association internationale des compagnies de croisière (Clia), ces navires touristiques génèrent des retombées économiques annuelles de 436 millions d’euros pour la Péninsule, dont 283 millions à Venise.
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Venise sur la liste du patrimoine en danger ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°527 du 5 juillet 2019, avec le titre suivant : Venise sur la liste du patrimoine en danger ?