VENISE / ITALIE
La mairie d'un côté, les défenseurs de l'environnement de l'autre : Venise était divisée mercredi au lendemain de la décision du gouvernement d'interdire, à partir du 1er août, l'accès du centre historique de la Sérénissime aux grands navires de croisière.
Concrètement seuls les « géants des mers », c'est à dire les bateaux affichant plus de 25 000 tonnes de jauge brute, ceux faisant plus de 180 mètres de long ou plus de 35 mètres de tirant d'air, ou encore dont les émissions contiennent plus de 0,1 % de soufre, ne seront plus autorisés à entrer dans le bassin de Saint-Marc, le canal de Saint-Marc et le canal de la Giudecca.
Ils devront désormais s'amarrer dans le port industriel de Marghera, tandis que les navires de croisière plus petits (environ 200 passagers) pourront continuer à accoster au cœur de la ville. « À partir d'aujourd'hui c'est pratiquement l'arrêt des croisières, ça veut dire que même les navires programmés ne vont pas venir », a déploré pour l'AFP-TV Andrea Tomaello, maire-adjoint de Venise.
Évoquant « la crise pour les travailleurs » dans ce domaine après un an et demi d'arrêt des croisières en raison de la pandémie de Covid-19, M. Tomaello a également souligné l'impact de cette interdiction sur tout le secteur touristique. « Les touristes américains, européens, asiatiques viennent quelques jours avant, dorment dans des hôtels vénitiens, mangent dans des restaurants vénitiens puis partent en croisière », a-t-il expliqué.
Pour Marta Canino, porte-parole du « Comité non aux grands navires », l'interdiction est en revanche une excellente nouvelle. « Les navires à l'intérieur de la lagune produisent les mêmes effets, ils polluent, détruisent », dit-elle à l'AFP-TV. « Il y a neuf ans, nous avions une moyenne de 10 navires par week-end et finalement à partir du 1er août ils ne pourront plus entrer. Nous sommes fiers de ce résultat », a-t-elle ajouté. Les défenseurs de l'environnement et du patrimoine culturel accusent les grosses vagues engendrées par ces navires, longs de plusieurs centaines de mètres et hauts de plusieurs étages, d'éroder les fondations de la Sérénissime, et de menacer le fragile écosystème de sa lagune.
Pressions internationales
L'Italie était sous forte pression sur la scène internationale, avec notamment la menace de l'Unesco, si rien n'était fait, de retirer ce joyau italien de la liste du patrimoine mondial sur laquelle Venise est inscrite depuis 1987.
« Chaque fois que je rencontre une personnalité internationale – la dernière était Mick Jagger des Rolling Stones – la première chose qu'elle me dit est de chasser les navires de croisière de Venise », a reconnu mercredi le ministre de la Culture Dario Franceschini, mettant l'accent sur « la menace concrète de voir Venise inscrite sur la liste des sites de l'Unesco en péril, ce qui aurait été une humiliation ».
La directrice-générale de l'Unesco Audrey Azoulay a d'ailleurs été l'une des premières à réagir mercredi sur Twitter, qualifiant la décision italienne de « très bonne nouvelle » et d'« étape importante contribuant de manière significative à la sauvegarde de ce site unique ». Une décision qui n'a pas été facile en raison des gros intérêts économiques en jeu, car les croisières génèrent des revenus considérables pour les commerçants et le port de Venise : 400 millions d'euros par an et 5 000 emplois. Mais ce sont pas moins de 90 000 personnes qui dépendent directement ou indirectement des infrastructures portuaires de la ville.
Le gouvernement s'est toutefois engagé à compenser le manque à gagner pour la filière, notamment le gestionnaire du terminal, ses sous-traitants, les sociétés de logistique, etc. Le port de Marghera devra aussi être aménagé pour accueillir les paquebots et 150 millions d'euros seront débloqués à cet effet.
Cet article a été publié par l'AFP le 14 juillet 2021.
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Venise divisée sur l'interdiction des navires de croisière
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