Après les guerres, le vandalisme ou plus simplement le temps qui passe, les monuments historiques ont été victimes d’une nouvelle calamité : les violentes tempêtes qui ont touché la France, les 26 et 27 décembre. Pour faire face aux dégâts, évalués à plus de 500 millions pour le patrimoine appartenant à l’État et 400 pour celui des collectivités locales et des particuliers, le gouvernement a annoncé un effort budgétaire significatif. Mais les réparations des dommages imposent un délai à la réalisation de travaux non moins urgents.
PARIS - Les restaurateurs de Notre-Dame de Paris n’ont guère eu le temps de se féliciter de l’éclat retrouvé de la façade. À peine achevé le démontage des échafaudages, la tempête du 26 décembre a provoqué l’écroulement de six pinacles qui ont perforé les terrasses, au niveau du chevet. Par ailleurs, un angle de la sacristie s’est effondré. Les travaux nécessaires sont d’ores et déjà évalués à 22 millions de francs. L’architecture gothique s’est révélée particulièrement vulnérable aux bourrasques. À Saint-André de Bordeaux, deux pinacles provenant de la flèche nord-ouest, pourtant récemment restaurée, se sont abattus, détériorant balustrades et toiture. De Strasbourg à Vincennes, de Rouen à Évreux, on ne compte plus les couvertures et les voûtes endommagées. À Tréguier, dans les Côtes-d’Armor, c’est une partie de la flèche qui est tombée, emportant avec elle l’échafaudage monté pour sa restauration : trous dans la couverture et les vitraux, balustrades sculptées détruites… les dommages sont estimés à cinq millions de francs. En Charente-Maritime, l’un des départements les plus touchés par la tempête, la presque totalité des édifices classés ou inscrits a subi des désordres en toiture.
Une rapide mobilisation des services des Monuments historiques sur tout le territoire a permis d’établir une première évaluation des dégâts : 500 millions pour le patrimoine appartenant à l’État, 400 pour celui des collectivités locales et des particuliers. Mais ces chiffres demandent à être confirmés par un inventaire et un devis plus précis. L’ampleur des opérations à mener d’urgence (mise hors d’eau et mise en sécurité) inquiète, en raison des capacités limitées des entreprises de couverture travaillant habituellement sur les monuments historiques. D’autre part, les opérations programmées avant la catastrophe seront inévitablement reportées à des jours meilleurs. Car si le gouvernement précise que les 600 millions de francs qu’il s’apprête à débloquer pour restaurer le patrimoine appartenant à l’État constituent des mesures nouvelles, le ministère de la Culture a de son côté annoncé qu’il apportera 200 millions aux collectivités locales. Il est à craindre que l’urgence créée par les tempêtes ne relègue au second rang d’autres priorités, comme cela s’était produit lors de l’incendie du Parlement de Rennes. Le 1er février, Catherine Trautmann annoncera le détail des mesures.
Les parcs dévastés
Arbres déracinés, brisés, enchevêtrés, les parcs, partie intégrante du patrimoine national, ont également payé un lourd tribut. À Versailles, 10 000 arbres ont été abattus, le sous-bois de Trianon est totalement détruit… Pour une remise en état définitive du parc, 132 millions de francs seront nécessaires. Le parc de Saint-Cloud, dessiné par Le Nôtre, n’a pas été épargné : “17 000 arbres sont perdus. Sur les 380 hectares du parc, 200 ont été bouleversés”, constate Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques chargé du domaine, qui doit déjà songer à des réouvertures progressives au trafic automobile. Toutefois, les lieux continueront de porter longtemps les stigmates de la catastrophe : “On sait ce que coûte la replantation du parc, mais on ignore quel en sera le rythme.”
Signalons que la Direction de l’Architecture et du Patrimoine a ouvert une ligne téléphonique pour aider et conseiller les propriétaires de monuments historiques et de parcs et jardins sinistrés. Ce numéro, le 01 40 15 32 14, est ouvert de 9h30 à 17h30. Les appels concernant les dommages subis par les monuments historiques seront orientés vers les Directions régionales des Affaires culturelles ou les services départementaux de l’Architecture et du Patrimoine concernés. Un spécialiste du patrimoine paysager répondra directement aux questions relatives aux parcs et jardins.
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Une manne contre la tempête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°97 du 21 janvier 2000, avec le titre suivant : Une manne contre la tempête