Hongkong - Musée

Un projet de musée chinois sème la colère à Hong Kong

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 11 janvier 2017 - 669 mots

HONG KONG / CHINE

HONG KONG (CHINE) [11.01.17] - Hong Kong veut ouvrir sur son territoire une branche du musée le plus emblématique de Chine et ainsi renforcer sa crédibilité culturelle mais le projet suscite l'opposition de ceux qui y voient de la servilité artistique envers Pékin.

Cité interdite de Pékin dit aussi Musée du Palais © Photo Viault - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0
Cité interdite de Pékin dit aussi Musée du Palais.
© Photo Viault - 2012

Ce retour de bâton survient à une période délicate pour l'ancienne colonie britannique où de plus en plus d'habitants ont le sentiment que Pékin augmente son emprise. Avec ses collections de céramiques, calligraphies, peintures, jades ou horloges datant de multiples dynasties chinoises, le Musée du Palais occupe une grande partie de la Cité interdite impériale de Pékin, laquelle attire des millions de visiteurs chaque année.

Les défenseurs du projet font valoir qu'une branche hongkongaise du Musée, où les visiteurs pourraient admirer des pièces prêtées à long terme par Pékin, renforcerait la dimension culturelle d'un territoire surtout connu pour ses forêts de gratte-ciel et ses banques. Mais ses opposants affirment que le public aurait dû être consulté avant que les autorités ne donnent leur feu vert à un projet destiné selon eux au premier chef à complaire à la Chine.

Lors de manifestations, certains protestataires ont lancé des chars en papier sur des responsables du territoire revenu en 1997 dans le giron chinois, en référence à la répression de la place Tiananmen. La Cité interdite jouxte ce site où l'armée mit fin par les armes en 1989 au mouvement des étudiants qui réclamaient la démocratie, faisant des centaines, voire plus d'un millier de morts selon des estimations.

"Ce n'est pas seulement du lavage de cerveau - c'est enjoliver la culture en y introduisant des éléments de l'histoire et de la culture chinoises perçues comme plus positives", dit Avery Ng, président de la Ligue des sociaux-démocrates. Pour lui, le projet ignore l'identité de Hong Kong, "y compris sa propre histoire, et le côté obscur de l'histoire chinoise". D'autres jugent que le futur musée aurait pu être une bonne chose s'il avait été discuté en toute transparence.

Diluer la culture

"Les gens apprécient les musées et l'art quand les choses sont faites comme il faut", dit l'ancien député Lee Cheuk-yan, qui organise chaque année une manifestation en mémoire de Tiananmen. Décider le projet sans consulter l'opinion relève d'une "approche dictatoriale", accuse-t-il.

Le Musée du palais de Hong Kong sera construit dans le District culturel de Kowloon ouest, vaste espace artistique situé dans la partie continentale de l'ex-colonie et déjà miné par les retards et les accusations d'ingérence politique. Il doit ouvrir ses portes en 2022 et être financé par un don de 3,5 milliards de dollars hongkongais (426 millions d'euros) émanant du Jockey Club, qui gère à Hong Kong les courses de chevaux, la loterie et les paris.

La chef ajointe du gouvernement Carie Lam préside le conseil d'administration du District culturel et ses opposants l'accusent de vouloir impressionner Pékin avec ce musée. Les observateurs s'attendent largement à ce que Mme Lam se présente à l'élection qui désignera en mars le prochain chef de l'exécutif. Sans le soutien de Pékin, elle serait quasi certaine de perdre. Mais elle s'est défendue de ces accusations. "Je sais que la société d'aujourd'hui est pleine de méfiance mais sur cette question, nous n'avons aucune motivation égoïste ni d'intérêts privés", a-t-elle dit à la presse. "Nous ne devons pas permettre que ce sujet culturel soit politisé".

A cause de l'inflation des critiques, une opération de consultation de l'opinion sur la conception et la programmation du Musée a été lancée mercredi. Cette consultation, qui va durer six semaines, ne demande toutefois pas aux Hongkongais de se prononcer sur le bienfondé même du projet, auquel le District culturel a donné son feu vert en novembre. Certains habitants ont fait part de leurs réticences à l'AFP. "En construisant ce genre de chose, ils veulent juste qu'on se confonde", dit Kong Lung, agent immobilier de 27 ans, estimant qu'il s'agit d'une nouvelle tentative de "continentaliser" le territoire semi-autonome. "Depuis la rétrocession, on voit les Chinois du continent venir à Hong Kong et la culture hongkongaise est déjà diluée".

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