HONG KONG / CHINE
Les plans de l’antenne du Musée du Palais impérial de Pékin à Hongkong ont été présentés récemment, un an après l’annonce de sa construction qui a surpris beaucoup de monde.
Hongkong. La Chine est de plus en plus présente à Hongkong, y compris dans le domaine culturel comme en témoigne l’arrivée pour le moins inattendue d’un musée « offert » ou « parachuté » par le gouvernement central de Pékin dans le grand quartier culturel de West Kowloon (West Kowloon Cultural District), en cours de développement à Hongkong. Pékin aimerait bien insuffler un sentiment de patriotisme plus aigu à cette population rétive à toute tentative d’influence sur ses opinions et modes de pensée.
Quand, il y a un an, le 26 décembre 2016, le conseil d’administration du West Kowloon Cultural District annonça par un communiqué de presse la création d’un nouveau musée, le « Palace Museum », antenne du Musée du Palais impérial de Pékin, dans le quartier culturel de West Kowloon, la nouvelle fit l’effet d’une bombe dans les médias et les milieux culturels. D’autant plus que l’annonce fut faite au moment même où Carrie Lam, alors secrétaire en chef du gouvernement de Hongkong et, à ce titre, présidente du conseil d’administration de West Kowloon, apposait sa signature à Pékin sur un mémorandum de coopération avec Chan Jixiang, directeur du Musée du Palais de Pékin.
La surprise fut générale car il semble que personne, pas même les autres membres du conseil d’administration de West Kowloon ou les parlementaires, n’avait eu vent de cette annonce, d’autant plus qu’il n’y eut ni consultation publique, ni demande de financement auprès du conseil législatif de Hongkong.
Le communiqué soigneusement présenté comme une heureuse surprise détaillait avec une certaine naïveté la valeur de ce cadeau : la possibilité pour West Kowloon d’exposer la culture visuelle de 5 000 ans d’histoire de l’art chinois de la cour impériale, comprenant 1,8 million d’artefacts, par le biais de prêts à long terme de peintures, calligraphies, céramiques et antiquités. Ces œuvres et objets d’art entraient, selon Carrie Lam, « dans la vision du quartier culturel qui se [veut] être une plateforme culturelle mais [est] aussi hautement complémentaire avec les autres installations artistiques et culturelles en construction, notamment le musée d’art contemporain d’Asie M+, constituant ainsi une riche tapisserie d’art chinois et occidental à la fois du genre moderne et traditionnel ».
Personne ne nia la valeur culturelle de ce musée, mais tout le monde nota la subtile tactique utilisée pour que ce « cadeau » passe comme une lettre à la poste, car toutes les difficultés ou obstacles avaient été miraculeusement aplanis. Son financement n’avait pas à être voté par le Parlement hongkongais – point qui se serait sans doute révélé épineux, puisque son coût de 3,5 milliards de dollars hongkongais (375 millions d’euros) était pris en charge par le fonds de charité du Hong Kong Jockey Club, organisateur des Jeux olympiques de Hongkong, tenu de consacrer un pourcentage de ses bénéfices au financement d’hôpitaux ou de projets culturels bénéficiant à la communauté hongkongaise.
Autre affaire qui fit lever haut les sourcils : contrairement aux autres projets qui firent l’objet d’un appel d’offres, remporté par exemple par Herzog & de Meuron pour le musée M+, le conseil de West Kowloon avait déjà directement chargé Rocco Yim, un architecte hongkongais familier de la construction de musées en Chine, de dessiner le « Palace Museum ». Personne ne douta donc plus que ce musée était secrètement en préparation depuis longtemps. Et c’est lors des fêtes du 20e anniversaire de la rétrocession, le 29 juin 2017, que le contrat de collaboration entre le directeur du Musée du Palais de Pékin et le président du conseil d’administration de West Kowloon fut officiellement signé, en présence de Carrie Lam devenue nouvelle cheffe de l’exécutif du gouvernement hongkongais et du président chinois, Xi Jinping, en visite officielle à Hongkong, mettant fin ainsi à toute contestation ultérieure.
Les controverses autour de ce musée tiennent au fait que beaucoup y voient la volonté de Pékin d’influencer la société hongkongaise. Le gouvernement de Pékin a fait savoir lors de l’anniversaire de la rétrocession qu’il ne tolérerait aucune manifestation d’indépendance à Hongkong et que le gouvernement hongkongais devait légiférer en ce sens. Les Chinois ne sont guère populaires en ce moment chez les Hongkongais, qui ressentent une pression très forte de Pékin, au point que, dans les manifestations sportives, à chaque fois que l’hymne national chinois est joué ils se mettent à le huer, un interdit passible d’arrestation et de prison en Chine populaire et que le gouvernement chinois a fait inscrire dans la mini-Constitution hongkongaise, demandant au gouvernement hongkongais de fixer aussi des pénalités.
Toutes les tentatives de renforcer ou d’établir un sentiment de patriotisme pour la mère patrie chinoise ont échoué chez les jeunes Hongkongais, qui ne renient pas leur culture et patrimoine chinois mais ne veulent pas s’identifier au gouvernement chinois, lequel, contrairement à celui de Hongkong, ne garantit ni liberté de pensée ni liberté de presse. Du côté chinois, l’ascension de Xi Jinping au 19e Congrès du Parti communiste, qui étend son autorité dans tous les domaines, ne leur promet pas non plus un futur engageant.
Ce musée pourrait être vu cependant comme un geste de séduction de Pékin envers les Hongkongais. Le contrat de collaboration a calmé d’ailleurs les inquiétudes de certains Hongkongais, qui craignaient que Pékin s’insinue dans les affaires de West Kowloon : il stipule clairement que la gestion quotidienne, l’organisation des expositions et la maintenance seront assurées seulement par la direction de West Kowloon. Celle-ci devra créer une compagnie subsidiaire mettant en place un conseil d’administration propre au Palace Museum, conseil dont elle sera partie prenante et qui comprendra aussi des experts reconnus en art et histoire chinois.
L’affaire a suivi son cours et l’architecte Rocco Yim a présenté en octobre les plans de son nouveau musée. Situé dans la partie ouest de West Kowloon sur un site de 10 000 mètres carrés, il comportera 7 600 mètres carrés de salles d’exposition dévolues aux objets d’or, de bronze et de jade comme aux coutumes de la vie à la cour impériale, mais aussi un amphithéâtre de 400 places, un restaurant et une boutique de souvenirs.
Sa forme, selon les critiques chinois, rappelle celle d’un énorme « ding », cet ancien chaudron chinois de l’Antiquité, une référence déniée par l’architecte. Il se serait plutôt inspiré du dessin de la Cité interdite avec ses nombreuses cours et jardins pour créer un ensemble de galeries reliées à trois atriums offrant des vues sur le port Victoria, l’île de Lantao et l’Art Park. L’arrière n’est pas vitré afin de protéger les salles d’exposition. Mais tout le reste du bâtiment est très spacieux et lumineux.
Ce musée, une fois la controverse apaisée, devrait être bien accueilli à son ouverture, prévue en 2021, par des Hongkongais également fiers de leur héritage culturel chinois. Il s’inscrira dans ce large développement culturel de 40 hectares dans lequel le gouvernement hongkongais a investi 21, 6 milliards de dollars hongkongais (2,7 milliards d’euros), projetant de faire de Hongkong un grand pôle culturel d’Asie.
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À Hongkong, un musée tombé du ciel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : À Hongkong, un musée tombé du ciel