L’auteur soutient l'hypothèse selon laquelle le tableau aurait été réalisé par les élèves du peintre madrilène Sorolla.

La National Gallery de Londres avait acheté en 1980 chez Christie’s un tableau représentant les personnages de l’Ancien Testament Samson et Dalila, attribué au maître flamand Pierre Paul Rubens (1577-1640), au prix record de 2,5 millions de livres (ce qui correspond aujourd'hui à 6,6 millions de livres soit 7,7 millions d'euros). Mais des experts doutent depuis longtemps de l'authenticité de ce tableau.
Parmi eux, l'historienne de l’art Euphrosyne Doxiadis affirme depuis les années 1990 que l’œuvre est plutôt une copie du XXe siècle du tableau que Pierre Paul Rubens aurait peint entre 1608 et 1609 pour son mécène anversois Nicolaas Rockox. L'original serait perdu. Pour étayer sa thèse, Euphrosyne Doxiadis a fait une comparaison stylistique détaillée entre l'œuvre et les peintures incontestées de Pierre Paul Rubens, notamment Minerve protégeant la paix de Mars (1629-1630), dans son ouvrage NG6461 (le numéro d'inventaire du tableau) : The Fake National Gallery Rubens, qui sera publié le 12 mars prochain. Elle y soutient que « les coups de pinceau fluides et tortueux qui sont si caractéristiques de Rubens ne sont visibles nulle part » dans le tableau Samson et Dalila, « c’est juste de l’artisanat de mauvaise qualité. Au XVIIe siècle, cela aurait été considéré comme inacceptable ».
Par ailleurs, alors que des copies contemporaines de l'original - une gravure de Jacob Matham (1571-1631) ou une représentation du tableau dans une peinture de Frans Francken le Jeune (1581-1642) - représentent les orteils de Samson, ce qui suggère que Pierre Paul Rubens les avait également peints, ils ne sont pas visibles sur le tableau de la National Gallery.

Euphrosyne Doxiadis s'appuie également sur un témoignage du banquier et connaisseur d’art Jan Bosselaers, qui contredit l'hypothèse de la National Gallery selon laquelle le tableau aurait été collé sur une feuille de carton « probablement au XXe siècle ». Il a en effet partagé une ancienne photographie du tableau avant sa vente en 1980, qui montre que la peinture était auparavant fixée sur un panneau, ce qui soulève des interrogations.
Michael Daley, directeur d'Artwatch UK, qui avait également effectué des recherches approfondies sur le tableau, a reçu un document indiquant qu'il avait été acheté par un marchand allemand à un conservateur nommé Gaston Lévy, un Brésilien qui avait été l'élève de l'artiste espagnol Joaquín Sorolla y Bastida (1863-1923).
Euphrosyne Doxiadis s'était alors rendue au musée Sorolla à Madrid et avait immédiatement établi un parallèle entre le style des œuvres de Joaquín Sorolla y Bastida et le tableau de la National Gallery. « Dès que j'ai vu le tableau, j'ai reconnu le style. Sorolla et ses élèves, conformément à la tradition de l'éducation artistique du XIXe siècle, avaient l'habitude de copier les anciens maîtres pour apprendre les techniques classiques ».
Elle suggère alors que Gaston Lévy aurait, avec l’aide de ses camarades, recréé l'œuvre de Pierre-Paul Rubens à partir de copies du XVIIe siècle. Gaston Lévy avait en effet effectué un voyage au musée de Munich où le tableau réalisé par Frans Francken le Jeune était exposé.

Si cette dernière hypothèse s’avérait vraie, l’absence d’orteils dans le tableau de la National Gallery pourrait s’expliquer par le fait que « lorsque les étudiants font une copie d’un vieux maître, c’est une loi non écrite qu’ils doivent omettre quelque chose, pour ne pas avoir l’air de vouloir tromper », avait fait remarquer Euphrosyne Doxiadis.
En 2021, des tests IA réalisés par Art Recognition avaient déjà remis en cause à 90 % l’authenticité de Samson et Dalila.
La National Gallery et Christie's ont pour l'instant refusé de commenter les affirmations de l’ouvrage.
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Un nouvel ouvrage conteste l’authenticité d’un Rubens de la National Gallery
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