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CATHÉDRALE

Un « musée » sous le parvis de la cathédrale de Chartres

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2023 - 888 mots

CHARTRES

Le projet Autricum de la ville de Chartres va mettre en scène les vestiges archéologiques et l’histoire de la ville, dans un espace à construire sous le parvis de la cathédrale.

Le projet de jardin médiéval sur l'esplanade de la cathédrale de Chartres. © Super 8, Jean-Christophe Rousseau, Michel Cantal Dupart
Le projet de jardin médiéval sur l'esplanade de la cathédrale de Chartres.
© Super 8, Jean-Christophe Rousseau, Michel Cantal Dupart

Chartres. Trois décennies pour faire aboutir ce projet : Jean-Pierre Gorges ne pensait pas devoir attendre aussi longtemps pour que le parvis de la cathédrale soit enfin réhabilité. « C’est un jour important, insiste le maire de Chartres (LR), le 5 octobre dernier, lors de la présentation du projet Autricum. Il correspond pour moi à vingt-deux ans de labeur. » Beau joueur, il rappelle que son prédécesseur, le socialiste Georges Lemoine, est à l’origine de ce grand dessein pour l’une des plus belles cathédrales de France, dès 1992, qui sera sabordé pour des raisons politiques. En mettant au cœur de cet aménagement les vestiges archéologiques et en louvoyant avec les prescriptions patrimoniales du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), le nouveau projet semble prometteur.

Il faut rappeler qu’en janvier 2019, une maquette bien différente avait été montrée, laquelle avait heurté la sensibilité de certains Chartrains : un centre d’interprétation en sous-sol, exploitant le dénivelé existant entre le narthex de la cathédrale et le bout opposé du parvis. Cette proposition avait l’ambition de concilier l’usage actuel du parvis et les exigences du PSMV. Depuis que le XIXe siècle haussmannien a ménagé de larges places devant les massifs occidentaux des cathédrales françaises, l’attente du public est d’avoir une vue dégagée sur ces édifices monumentaux. Les règles patrimoniales, de leur côté, regrettent le temps où ces « dames de pierres » étaient enserrées dans un dense tissu d’habitations : ainsi du PSMV de Chartres, qui avait prescrit la reconstitution d’un « front bâti » devant la cathédrale. Avec son espace muséal qui formait une façade de verre au bout de la place, mais invisible sous son parvis depuis l’entrée de la cathédrale, la première mouture approuvée en Commission nationale des monuments historiques, n’avait toutefois pas enthousiasmé le public local, voire avait suscité l’hostilité des défenseurs du patrimoine. Un motif suffisant pour que le maire remette son ouvrage sur le métier et, presque quatre ans plus tard, présente un projet entièrement en sous-sol, exploitant la richesse historique de Chartres et le savoir-faire municipal.

L’archéologie comme fil rouge

La ville compte en effet l’une des unités d’archéologie de collectivité locale les mieux dotées de France (une quarantaine d’archéologues), et le passé gallo-romain du parvis ne demande qu’à être découvert. Fouillée en partie en 1992, au préalable du premier projet avorté, cette zone avait révélé un grand bâtiment à cryptoportiques, laissant présager le centre civique de l’antique cité Autricum. « La présence de ces vestiges explique celle des grands monuments du Moyen Âge chrétien, qui s’inscrivent dans une histoire gallo-romaine », explique Mathias Dupuis, directeur de l’archéologie à la ville de Chartres.

Vue en coupe du projet d'Autricum, sous l'esplanade de la cathédrale de Chartres. © Super 8, Jean-Christophe Rousseau, Michel Cantal Dupart
Vue en coupe du projet d'Autricum, sous l'esplanade de la cathédrale de Chartres.
© Super 8, Jean-Christophe Rousseau, Michel Cantal Dupart

Avec un projet de recherche mené par le service municipal, et dix-huit mois de fouilles programmées sur l’ensemble de la place, l’archéologie a été remise au centre de l’aménagement. Et le futur « lieu touristico-culturel » (qui n’est plus appelé « centre d’interprétation ») mettra en valeur les vestiges que découvriront les archéologues chartrains. Sous le parvis, est imaginé un système de planchers amovibles, qui pourront laisser émerger un mur gallo-romain ou voir en transparence le niveau de sol du premier siècle de notre ère. Dans ce décor, le maire veut installer une salle d’exposition de 3 500 m2 aux normes internationales, pour y montrer les objets issus des collections municipales capables de raconter l’histoire de la ville, mais aussi une programmation temporaire. À l’extérieur, seule une longue raie de verre (seule source de lumière naturelle du futur lieu d’exposition) indiquera la présence de ce discret équipement, dont l’entrée se fera par les deux maisons canoniales qui font face à la cathédrale, rescapées des destructions de la fin du XIXe siècle. Et pour reconstituer le « front bâti » que souhaite voir resurgir le PSMV local, c’est un front d’arbres et d’arbustes qui est imaginé : une légère pente menant en biais à la cathédrale aura la charge de renforcer cette illusion.

Modification complète du quartier

Avec ce nouvel équipement et le réaménagement de la place, c’est l’ensemble du quartier canonial (appelé « cloître » à Chartres) qui est traité par la Ville : la phase 1 a déjà démarré, avec la piétonnisation du pourtour direct de la cathédrale. Pas de dates fixées pour la phase 2, qui coûtera une trentaine de millions d’euros, et concernera les fouilles du parvis, son aménagement ainsi que la construction de l’espace d’exposition.

Tout autour, le maire souhaite voir se développer un pôle patrimonial avec des projets plus ou moins aboutis pour le moment : le trésor de la cathédrale hébergé dans la chapelle Saint-Piat (dont l’ouverture est imminente), la rénovation du Musée des beaux-arts ou le redéploiement du Musée du vitrail, voire l’installation d’une maison internationale de la cosmétique (projets encore peu définis). Le projet Autricum en sera le lieu central, dont Jean Nouvel donne encore la meilleure définition : « La présence révélée par les fouilles archéologiques d’une ville gallo-romaine sous la ville médiévale est un événement poétique de première grandeur. Peu importe la qualité intrinsèque des traces de bâtiments mis à jour. Ce qui est essentiel, c’est le vertige du passé. » Une prose enlevée, qui évoque toutefois le propre projet de l’architecte pour le concours de… 1992. Trente ans plus tôt, tout était déjà là !

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°620 du 3 novembre 2023, avec le titre suivant : Un « musée » sous le parvis de la cathédrale de Chartres

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