ROME / ITALIE
Les salles du palais Renaissance en plein cœur de la capitale, haut lieu de mémoire de l’histoire italienne, étaient vides depuis quarante ans. Les œuvres de ses riches collections sortiront des dépôts pour faire revivre ce musée romain des arts appliqués.
Le Palazzo Venezia fait peau neuve. L’ocre des murs de ce palais Renaissance colore le cœur de Rome depuis plus de 550 ans. Construit entre 1455 et 1467 pour le cardinal vénitien Pietro Barbo, futur pape Paul II, il a servi tour à tour de résidence du souverain pontife, d’ambassade de la République de Venise (d’où son nom) et d’ambassade pour l’empire autrichien. Propriété de l’État italien depuis 1916 qui y cachait les chevaux de la place Saint-Marc pour les préserver d’éventuels bombardements, l’édifice devint le siège du gouvernement de Benito Mussolini qui y installe ses appartements privés. Il y harangua la foule depuis son balcon d’où il annonça l’entrée de son pays dans la guerre en 1940. C’est au Palazzo Venezia que son régime s’est effondré.
Un haut lieu de mémoire historique, mais aussi et surtout un lieu de patrimoine artistique pour la capitale italienne qui abrite des collections d’art décoratif : des bronzes, des médailles et des tapisseries, mais aussi les 1 200 pièces de la collection d’armes et d’armures du prince Odescalchi. Sous la dorure de ses plafonds sont en outre conservées des toiles de Pisanello, Guido Reni ou encore Fra Angelico. Ou plutôt dans les réserves pour la plupart de ces chefs-d’œuvre… Car les salles sont vides depuis 1982, quand l’État a décidé de libérer les salles d’apparat pour les consacrer à des expositions temporaires.
Un profond réaménagement a été annoncé en avril dernier par le ministre de la Culture, Dario Franceschini, et Edith Gabrielli, la directrice de l’Institut VIVE qui regroupe le Musée du Palazzo Venezia et le Vittoriano, autre monument emblématique de Rome distant d’à peine quelques mètres. Le chantier concerne essentiellement l’étage noble avec les appartements du futur pape Paul II qui comprennent trois salles monumentales (Sala Regia, Salle du Consistoire, par la suite Salle des Batailles, et Salle de la Mappemonde, ornées de fresques du XVe siècle) ainsi que le Viridarium.
« La nouvelle dimension muséologique et muséographique sera sensible à la vocation d’origine du musée et donc aux secteurs des arts appliqués et du “made in Italy”, explique Edith Gabrielli. Cela permettra d’élargir encore plus l’offre des musées romains. » Et de surtout soutenir l’afflux de visiteurs. Près de 400 000 ont franchi le seuil du Vittoriano et du Palazzo Venezia depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire le 1er avril dernier. Plus de 40 000 ont participé aux visites guidées et aux conférences qui y sont organisées.
Les œuvres prochainement exposées proviennent des réserves du palais. Ses collections se sont développées autour d’un noyau de sculptures et d’œuvres issues du château Saint-Ange, de la Galerie nationale d’art antique et des collections du Musée encyclopédique du Collège romain (fondé au XVIIe siècle par le jésuite Athanasius Kircher). Le musée restera ouvert pendant les travaux qui devraient s’achever en 2023. Le réaménagement sera divisé en trois phases d’environ six mois chacune. La première sera consacrée aux œuvres de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge. Les réserves ont été organisées par catégorie : celle des objets en argent, essentiellement liturgiques, dont beaucoup font partie d’une donation des époux collectionneurs américains Wurts, celle des objets en ivoire et en bronze où figurent des fragments de la porte de l’ancienne basilique Saint-Paul-hors-les-Murs détruite par un incendie, mais aussi un buste en marbre du pape Paul II par Mino da Fiesole ainsi que des vases chinois et japonais, sans oublier des terres cuites, des tapisseries, des meubles, des pièces d’orfèvrerie médiévale ou encore des peintures sur bois.
La sélection des œuvres est effectuée par un groupe de jeunes chercheurs et historiens de l’art coordonné par les spécialistes Barbara Agosti, Maria Concetta Di Natale et Alessandro Tomei. Ils procèdent actuellement à un travail de recensement d’un fonds qui avait été sous-estimé jusque-là. Un cycle de conférences autour des thématiques de l’art, de l’histoire, de la musique et de l’architecture sera organisé.
« Le cœur de Rome bat entre le Palazzo Venezia et le Vittoriano, s’enthousiasme leur directrice Edith Gabrielli. Notre ambition est de les préserver et de les mettre en valeur pour créer un pôle muséal de niveau international. » Cette ambition est partagée et soutenue par le ministre de la Culture italien. « C’est une belle histoire de rédemption, affirme Dario Franceschini, car les dernières années du fascisme s’étaient superposées et avaient obscurci l’histoire de ce lieu et de ses extraordinaires collections qui susciteront l’intérêt du public. » Il avait déjà réveillé celui du cinéma avec le tournage de certaines scènes de la série « The Young Pope », créée par Paolo Sorrentino en 2016, derrière les murs du Palazzo Venezia.
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À Rome, le Palazzo Venezia sort de sa léthargie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : À Rome, le Palazzo Venezia sort de sa léthargie