Italie - Musée - Politique culturelle

POLITIQUE CULTURELLE ITALIENNE

Le gouvernement italien congédie quatre directeurs de grands musées

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 14 novembre 2024 - 602 mots

Parmi ceux dont le mandat n’a pas été renouvelé figure le Français Stéphane Verger à la tête du Musée national romain.

Stéphane Verger. © Museo Nazionale Romano / Maria Luisa Pacelli. © Pinacoteca Bologna
Stéphane Verger, directeur du Musée national romain, et Maria Luisa Pacelli, directrice de la Pinacothèque de Bologne.
© Museo Nazionale Romano
© Pinacoteca Bologna

Rome. Le nouveau ministre de la Culture italien veut imprimer sa marque. Rien de plus facile et de moins coûteux pour cela qu’une reprise en main des grands musées. Alessandro Giuli a ainsi décidé de ne pas renouveler pour un second mandat quatre directeurs de grandes institutions culturelles. Malgré le bon travail de chacun, et pour certains les excellents résultats obtenus, ils ont tous été congédiés et l’ont l’appris au dernier moment par un texto ou un courriel. Mario Epifani (Palais royal de Naples), Annamaria Mauro (Musée archéologique national de Matera), Maria Luisa Pacelli (Pinacothèque nationale de Bologne) et Stéphane Verger (Musée national romain) déplorent tous une décision dont ils critiquent l’absence de justification sur le fond et la brutalité sur la forme. Aucune communication n’a été possible avec le ministre de la Culture et ils n’ont eu droit qu’à un appel téléphonique succinct de Massimo Osanna, le directeur général des musées nationaux, depuis la Turquie où il se trouvait en déplacement.

La Rome antique, un symbole pour Giorgia Meloni

La presse italienne a été prompte à souligner le « sacrifice » de l’archéologue Stéphane Verger, directeur étranger, a fortiori français, à la tête du Musée romain qui regroupe, outre les thermes de Dioclétien, le palais Massimo, le palais Altemps et la Crypta Balbi. Un des plus importants musées de la capitale consacrée à la Rome antique. Autant de symboles auxquels l’actuelle coalition au pouvoir en Italie menée par un parti post-fasciste n’est pas insensible. Stéphane Verger fait part dans une lettre ouverte de son « amertume » de ne pouvoir achever les chantiers lancés. Il estime que son renvoi fait fi des « quatre années de grand travail qui ont abouti à des réalisations importantes, malgré les conditions difficiles, du Covid à l’augmentation des prix de l’énergie, dans un contexte de pénurie générale de personnel et de réduction des crédits de fonctionnement». Edith Gabrielli, actuelle directrice de l’Istituto ViVe - Vittoriano et Palazzo Venezia, remplacera l’archéologue français.

Actuellement, ce ne sont pas moins de vingt et un musées nationaux qui se retrouvent sans direction ou avec une direction par intérim. Parmi eux, les Musées royaux de Turin, la Galleria dell’Accademia de Florence, les musées de Ferrare et Lucca, le Musée archéologique national de Naples ou encore la Pilotta de Parme. L’an prochain, des appels d’offres internationaux seront lancés pour leur trouver un directeur ou une directrice. C’est l’une des plus grandes rotations jamais intervenues dans le secteur muséal transalpin à un moment délicat. Car de vastes chantiers d’un budget de plusieurs millions d’euros ont été lancés dans le cadre du plan de relance européen, le ministère de la Culture fait l’objet d’une réforme de son organisation interne et l’actuel gouvernement ne cache pas son intention de placer ses fidèles aux postes-clés malgré son absence criante de responsables dans le monde culturel. Ses proclamations nationalistes et sa volonté de promouvoir un « nouvel imaginaire italien » laissent peu de doutes sur la couleur du passeport des futurs directeurs de musées.

Ceux qui viennent d’être débarqués, outre le fait que leur mandat arrivait à échéance, avaient tous en commun d’avoir été nommés en 2020 par Dario Franceschini. Un indice clair de cette intention de tourner la page de l’héritage de l’emblématique ministre de la Culture de centre gauche. Massimo Osanna, le directeur des musées nationaux, n’est pas une figure de proue du camp conservateur. Il pourrait faire bientôt les frais de l’intention affichée par Giorgia Meloni dès son arrivée au pouvoir d’« en finir avec l’hégémonie culturelle de la gauche ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : Le gouvernement italien congédie quatre directeurs de grands musées

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