Musée

Reims : début du chantier de rénovation du musée

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 21 mars 2023 - 899 mots

REIMS

La réhabilitation imaginée par le cabinet Aires Mateus tire le meilleur parti des bâtiments historiques du Musée des beaux-arts, situé en plein cœur de ville.

Vue d'architecte de la cour du Musée des beaux-arts de Reims avec l'escalier creusé formant une faille dorée. © Aires Mateus
Vue d'architecte de la cour du Musée des beaux-arts de Reims avec l'escalier creusé formant une faille dorée.
© Aires Mateus

Reims (Marne). En 2014, l’abandon du « Grand Musée du Boulingrin », victime d’un changement de majorité municipale (passée de PS à UMP), apparaissait comme une défaite pour le paysage culturel rémois. Le bâtiment moderne alors imaginé par le cabinet d’architectes David Chipperfield – et dont le permis de construire était déposé – devait accueillir les collections du Musée des beaux-arts, à l’étroit dans l’ancienne abbaye Saint-Denis. Près de dix ans plus tard, le redéploiement du musée a bien lieu, mais de manière plus sobre : oublié le grand projet architectural qui dominait les halles du Boulingrin d’Eugène Freyssinet, c’est à une rénovation du bâtiment actuel que s’attelle la Ville, sur les plans du cabinet portugais Aires Mateus. Le musée reste donc dans ses murs, en centre-ville, tandis que le chantier, très technique, débute au printemps 2023 pour une livraison estimée en 2025.

Parler d’« extension » serait ici exagéré : les additions proposées par le cabinet Aires Mateus soulignent les contours de la parcelle, en créant un cloître. Autour du jardin aujourd’hui délabré, c’est un bâtiment d’un seul niveau aux grandes baies traversantes qui accueillera le café du musée et les espaces administratifs. De l’autre côté, un espace de stationnement sera dévolu à l’accès logistique. Enfin le musée soigne son entrée, qui ne se fera plus par l’imposant porche classé donnant sur l’étroite rue Chanzy. Un parking a été transformé à cet effet pour donner accès à un portail à peine dessiné par une large dalle en porte-à-faux, ménageant une vue sur la cathédrale voisine. Pour chercher un « geste architectural » dans cette intervention discrète, il faut se rendre dans la cour de l’ancienne abbaye, dont la surface pavée sera zébrée d’une « faille » dorée, soit un long escalier creusé sous le bâtiment principal du cloître. Ce gouffre ondule jusqu’aux nouveaux espaces souterrains du musée, dont une salle d’exposition temporaire et un auditorium. Car s’il paraît simple d’extérieur, ce chantier de réhabilitation est très technique, avec une vaste partie en sous-sol (d’une surface de 1 000 m2), creusée sous le jardin, qui nécessitera une fouille archéologique déjà intégrée au planning du chantier.

Une surface d’exposition triplée

La reprise des ailes de l’abbaye n’est pas moins complexe. Seul le premier étage gardera son niveau de sol ; au second, les sols sont rehaussés pour créer un véritable étage quand on y ajoute les combles : « On gagne un bon mètre cinquante, qui permet d’avoir un véritable espace d’exposition, explique Walter Gavard Perret, directeur Études et travaux de bâtiment à la Ville, qui dirige le projet. Une des complexités du chantier est son emplacement en plein centre. Il y a très peu de place, un trafic important, il va falloir faire preuve de beaucoup de pédagogie avec les entreprises. » Les travaux les plus lourds prévoient le démontage complet des toitures et des aménagements intérieurs. L’ensemble de l’opération est pour l’heure budgété autour de 45 millions d’euros, dont 6,5 apportés par l’État, et 11,25 par la Région Grand-Est.

Le projet exploite toutes les possibilités de gain d’espace sur cette parcelle très contrainte, à un jet de pierre d’un trésor inscrit sur la liste de l’Unesco. Pour l’instant, les travaux ne suscitent pas l’inquiétudes des riverains et défenseurs du patrimoine : « Le choix de conserver la structure, de ne pas faire un gros bloc, ça a plu », souligne Pascal Labelle, adjoint au maire délégué à la culture. Le gain en surfaces est pourtant considérable : le nouveau musée offrira 5 500 mètres carrés de planchers, dont 3 800 affectés aux espaces d’exposition, soit trois fois plus qu’avant restauration. C’est un peu moins que les surfaces que promettait le grand musée de David Chipperfield en 2014 (4 800 mètres carrés d’exposition permanente), mais bien assez pour enfin révéler la richesse du fonds rémois. « C’est un musée riche, qui confine à la profusion », décrit Georges Magnier, directeur des musées de Reims. Des 17 000 œuvres (et 8 000 monnaies) qui composent cette collection, seules 350 étaient auparavant présentées. Dans le musée réhabilité, 1 350 pièces pourront être exposées simultanément, et ce sans avoir à amputer le parcours permanent pour installer une exposition temporaire, comme l’étroitesse des espaces l’imposait jusqu’alors. Le musée se dote ainsi d’un véritable espace d’exposition temporaire, raisonnablement dimensionné autour de 500 m2. « On se dit que l’époque des expositions pharaoniques est révolue », justifie le directeur, qui prévoit d’alterner chaque année une exposition à la thématique régionale et un parcours d’ampleur nationale.

La scénographie, réalisée en interne par l’agence Aires Mateus, reflétera l’éclectisme des collections du musée, dont les équipes ont eu du mal à tirer les fils conducteurs lors de la rédaction du projet scientifique et culturel en 2016 : peintures françaises du XVIIe siècle, paysages du XIXe, Art déco et Foujita formeront les quatre temps forts du parcours chronologique, émaillé de « period rooms » et de salles à l’accrochage de collectionneur. Le peintre franco-japonais fera, lui, l’objet d’un petit musée dans le musée, sous les combles. Comme une porte d’entrée vers la chapelle décorée par l’artiste, au nord de la ville. « Quelquefois, les musées de beaux-arts ont des collections hors sol… Nous avons la chance d’avoir un fonds qui est ancré dans notre territoire : l’idée est aussi d’inciter les visiteurs à voir ce qu’il y a à l’extérieur », souligne Georges Magnier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Reims : début du chantier de rénovation du musée

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