L’archéologue Massimo Osanna (57 ans), a occupé de 2014 à 2020 le poste de surintendant du parc archéologique de Pompéi.
Depuis le 1er septembre, Massimo Osanna est directeur général des musées nationaux, en Italie. Après des études de lettres classiques, il obtient un doctorat en archéologie gréco-romaine à l’université de Pérouse. De 2002 à 2007, il dirige l’école spécialisée d’archéologie de l’université de Basilicate, avant d’y être directeur de l’école spécialisée en biens archéologiques de 2009 à 2014. Il est nommé cette année-là surintendant spécial pour sauver le site de Pompéi en danger. Le succès de sa mission lui assure la reconnaissance de la communauté scientifique et une grande notoriété auprès de l’opinion publique italienne.
C’est avant tout la possibilité pour l’administration de gérer des situations complexes en menant rapidement et efficacement son action. Nous sommes trop habitués en Italie à des temps bibliques. La mise en sécurité des sites, leur restauration, les appels d’offres publics pour les chantiers ne doivent pas durer des années. Il faut, comme je l’ai fait à Pompéi, que du personnel qualifié travaille sur les chantiers et pas seulement dans des bureaux à feuilletter des dossiers. Il faut sélectionner des fonctionnaires motivés qui ont une vision d’ensemble des questions à traiter et ne les affrontent pas au cas par cas dans l’urgence.
À cela s’ajoute la hiérarchisation des priorités avec une approche multidisciplinaire et interdisciplinaire. À Pompéi, j’ai monté des équipes où collaborent des archéologues, des architectes, des géologues, des historiens de l’art. L’entretien des musées, comme des parcs archéologiques, doit être programmé. Je lancerai un vaste programme dans ce sens avec des contrôles renforcés et une numérisation des informations qui est indispensable et sur laquelle nous avons accumulé trop de retard.
Un effort important est en effet nécessaire. Le ministère des Biens et Activités culturels a déjà procédé à de nouvelles embauches. Nous avons besoin de personnel qualifié et plus jeune. Plus que des concours pléthoriques pour recruter en masse des fonctionnaires sans mission précise, je suis favorable à des concours plus restreints pour répondre à des besoins particuliers. Les musées doivent pouvoir employer du personnel pour occuper les postes dont ils ont besoin. Ils sont les mieux placés pour savoir quelles expériences professionnelles leur manquent.
Je désire aussi que des ressources supplémentaires soient déployées pour numériser les dépôts des musées. Je veux les transformer en véritables « bibliothèques d’objets » accessibles tant aux chercheurs qu’aux visiteurs. Cela nécessite également une bien meilleure connaissance des œuvres qui s’y trouvent et qui doivent être cataloguées.
La conscience qu’il faut rééquilibrer les flux entre des sites croulant sous le tourisme de masse et d’autres pratiquement abandonnés. Cet été, 2 500 visiteurs par jour se sont rendus à Pompéi. Ils étaient 12 000 l’an dernier. Cela a évidemment de douloureuses conséquences économiques, mais c’est aussi une occasion unique de repenser les itinéraires touristiques. La pandémie de Covid-19 nous a également prouvé que le télétravail est bénéfique et peut alléger et simplifier la bureaucratie. Je l’ai constaté à Pompéi.
Mais les musées nationaux ne peuvent pas tout attendre de l’État qui ne peut pas seul gérer notre immense patrimoine. Il faut une plus forte synergie avec le secteur privé, mais aussi avec les associations culturelles sur le territoire qui pourraient participer à la gestion des petits sites qui risqueraient la fermeture ou l’abandon. Préservation et valorisation du patrimoine ne sont pas deux notions antithétiques mais complémentaires. C’est bien beau de préserver mais si personne n’en profite, qu’elle en est l’utilité ?
Enfin, nous devons saisir les opportunités offertes par les nouvelles technologies toujours avec une grande exigence culturelle et artistique. Je pense à la formidable collaboration entre le site de Pompéi et le Grand Palais. Un parfait exemple de bonne utilisation de la réalité virtuelle au service d’une exposition avec des projections 360° en très haute définition, des créations sonores et des reconstitutions en 3D des rues et habitations. Mais en Italie, nous sommes souvent trop timides envers les nouveautés.
Leur modernisation avant tout qui a été entamée grâce à la réforme Franceschini leur octroyant une plus large autonomie. Elle a permis de les faire revenir au cœur du débat public italien et leur a redonné de la visibilité internationale. Leur mission n’est plus celle du XIXe siècle ou des années 1950 avec un tourisme élitiste. Ils s’adressent désormais aux masses. Le défi de leur accessibilité ne doit pas juste être cantonné à l’indispensable attention aux handicapés. Il faut les ouvrir aussi à d’autres classes sociales et aux plus jeunes. La principale mission est celle d’éduquer à la connaissance de notre patrimoine.
Enfin concernant la politique des prêts d’œuvres pour les expositions qui ont suscité de nombreuses polémiques ces dernières années, je veux donner des directives claires et précises. La politique des prêts doit être coordonnée au niveau central. C’est l’État italien et pas un simple musée qui doit traiter avec le Louvre par exemple. Si la sécurité de l’œuvre que ce soit pour son transport ou son exposition est garantie, je ne vois aucun obstacle à son prêt. Mais le débat doit être international.
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Massimo Osanna : « En Italie, nous sommes souvent trop timides envers les nouveautés »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°550 du 4 septembre 2020, avec le titre suivant : Massimo Osanna, archéologue et directeur général des musées nationaux italiens : « En Italie, nous sommes souvent trop timides envers les nouveautés »