Depuis trois mois, la présidence de l’Institut national de recherches archéologiques préventives est vacante, paralysant l’organisme. Si le ministère de la Culture a montré un grand empressement à désigner les responsables de sa nouvelle administration centrale, il traîne des pieds pour se décider à nommer quelqu’un à la présidence de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
PARIS - Le poste est en effet toujours vacant depuis le départ de Jean-Paul Demoule, le 21 février – départ prévu de longue date. Or sans président, ni le conseil scientifique ni le conseil d’administration ne peuvent se réunir. Autant dire que l’institut responsable de l’ensemble des fouilles de sauvetage sur le territoire français est paralysé à l’heure où il doit à nouveau faire ses preuves pour passer le cap de la RGPP (révision générale des politiques publiques), et ce, après avoir déjà traversé de graves crises (lire le JdA no 277, 14 mars 2008, p. 22). Petit rappel : créé en 2001 pour succéder à l’ancien AFAN, l’Inrap compte près de 2 000 agents, rassemble plus de la moitié des chercheurs français dans le domaine de l’archéologie et effectue 90 % des fouilles en France. Il est donc surprenant que des dispositions concernant la succession de Jean-Paul Demoule n’aient pas été prises plus en amont. Nommé par le président de la République sur proposition conjointe des deux ministères de tutelle, la Recherche et la Culture, le futur président doit, selon Jean-Paul Demoule, être « profondément engagé dans la recherche – c’est-à-dire être professeur d’université ou directeur de recherches au CNRS – avec une légitimité nationale, voire internationale particulièrement au moment où l’Inrap pilote un vaste projet européen d’archéologie ». Un profil qui correspond parfaitement au candidat mis en avant par les scientifiques, professeurs au Collège de France et le ministère de la Recherche, soit Michel Reddé, directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Paris), vice-président du Conseil national de la recherche archéologique de 1995 à 1998, spécialiste du site d’Alésia et auteur de divers ouvrages sur la Gaule romaine. Cette personnalité reconnue et indépendante ne semble pas faire consensus Rue de Valois, qui aimerait garder un certain contrôle sur l’Institut, même si ce ministère n’est, pas plus que son celui de la Recherche, censé disposer du pouvoir de décision final. Selon nos informations, le ministère de la Culture chercherait à imposer Jean-Paul Jacob, inspecteur de la DAPA – direction de l’Architecture et du Patrimoine dont la sous-direction à l’Archéologie a longtemps été en conflit ouvert avec l’Inrap –, ancien directeur régional des Affaires culturelles de Guyane puis des Pays de la Loire. S’il effectua un passage au CNRS dans les années 1980, il a délaissé depuis plus de dix ans ses missions scientifiques au profit d’une carrière administrative. Au cabinet de la Recherche, on fait grise mine devant l’arrivée potentielle de ce proche de Michel Clément. Ce dernier, qui vient tout juste d’obtenir la très convoitée « direction générale des Patrimoines de France », avait d’ailleurs, un temps, caressé l’idée de prendre les rênes de l’Inrap. Un recours qu’avait également envisagé Christophe Vallet, finalement désigné le 7 mai pour préparer la future inspection générale du ministère de la Culture, cédant sa place de président du Centre des monuments nationaux à Isabelle Lemesle. Celle-ci était auparavant directrice de cabinet à la Consommation et au Tourisme puis conseillère spéciale de Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie, après avoir été conseillère technique au cabinet de Jacques Chirac maire de Paris ou de Philippe Douste-Blazy ministre de la Culture en 1997.
La nomination du président de l’Inrap constituera-t-elle l’étape ultime de ce jeu de chaises musicales, et ce, au détriment d’un institut qui a mis trente ans à voir le jour ? La Rue de Valois promet que « l’affaire est en cours » et que « la nomination devrait intervenir très prochainement ». Les représentants syndicaux se sont, pour leur part, montrés particulièrement inquiets, évoquant une attaque contre l’Inrap. Ils ont ainsi interpellé Christine Albanel dans un communiqué daté du 23 avril et resté lettre morte : « L’Inrap est avant tout un établissement public de recherche : l’amputer de ses compétences scientifiques primordiales (président et conseil scientifique) est un déni d’une invraisemblable brutalité, et tellement réactionnaire, de la part de la tutelle ministérielle. Du technicien à l’ingénieur, les missions des agents de l’Inrap sont par nature des missions de recherche. Ce fait, qui est reconnu par la loi, ne saurait être nié par la ministre. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’institut sans tête
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°282 du 23 mai 2008, avec le titre suivant : L’institut sans tête