Royaume-Uni - Archéologie - Justice

Les opposants au projet du tunnel de Stonehenge perdent leur recours en justice

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 28 février 2024 - 691 mots

WILTSHIRE / ROYAUME-UNI

L’association patrimoniale craint que le tunnel construit pour déplacer la route ne détruise des vestiges archéologiques.

Vue d'architecte du projet de tunnel près du site de Stonehenge en Angleterre. © Highways England
Vue d'architecte du projet de tunnel près du site de Stonehenge en Angleterre.
© Highways England

La Haute Cour britannique a rejeté lundi 19 février le recours déposé par l’association Save Stonehenge World Heritage Site (SSWHS) en août 2023, qui conteste la construction d’un tunnel routier de trois kilomètres à proximité du site préhistorique de Stonehenge.

Les opposants au projet – druides, défenseurs du patrimoine et militants écologistes – n’en sont pas à leur première action en justice. Ils avaient déjà intenté en 2021 une action – réussie –, qui avait conduit à l’annulation du chantier par la Haute Cour. En juillet 2023, le ministre des Transports Mark Harper avait pourtant approuvé de nouveau ce même projet, légèrement remanié et évalué à 1,7 milliard de livres sterling (environ 2 milliards d’euros).

Le nouveau recours est alors déposé par l’association SSWHS, qui prend également part au lancement d’une pétition contre le projet, signée par plus de 200 000 personnes et remise à l’Unesco en septembre 2023. Lors du premier des trois jours d’audience, qui s’est déroulée en décembre 2023, une cinquantaine de manifestants s’étaient même réunis devant la Haute Cour avec des banderoles et tambours chamaniques, comptant parmi eux des adeptes du druidisme qui célèbrent les solstices et équinoxes à Stonehenge.

Carte montrant les excavations découvertes autour du site, qui forment un cercle de plus de deux kilomètres de diamètre. © University of St Andrews
Carte montrant les excavations découvertes autour du site de Stonehenge, qui forment un cercle de plus de deux kilomètres de diamètre.
© University of St Andrews

Le juge David Holgate a toutefois donné raison au gouvernement, qui a fait valoir que les avantages du projet « l’emportaient sur les inconvénients », y compris sur « les dommages peu substantiels causés aux biens patrimoniaux ». L’actuelle route A303, qui longe le site de Stonehenge, serait ainsi moins encombrée puisqu’il est prévu d’en détourner un grand tronçon en un nouveau tunnel à deux voies de 40 mètres de profondeur, qui passerait à 200 mètres des mégalithes préhistoriques. L’agence gouvernementale National Highways, en charge du projet, explique que ce tunnel de trois kilomètres fluidifierait la circulation en réduisant les temps de trajet et les embouteillages, tout en supprimant la vue et le bruit du trafic depuis le site. Lors de l’audience, l’avocat du ministère des Transports a également assuré que le projet était « conforme aux obligations du Royaume-Uni » envers la Convention du patrimoine mondial, qui l’engage à protéger ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1986.

Pour les défenseurs du patrimoine, les conséquences d’un tel projet seraient pourtant désastreuses. Selon eux les longues et profondes tranchées creusées à chaque extrémité du tunnel détruiraient des vestiges archéologiques. Lors de l’audience, l’association SSWHS a remis en cause le bien-fondé d’une telle opération en affirmant qu’elle repose sur une « analyse erronée des chiffres probables du trafic de l’A303 » et ne « reconnaît pas les dommages causés au patrimoine ». Elle avance également que le ministre des Transports Mark Harper n’aurait pas envisagé d’autres « options non autoroutières », comme la mise en place d’un chemin de fer au lieu d’un tunnel. Il aurait ainsi agi « irrationnellement », en ne prenant en compte ni le risque du retrait de Stonehenge de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco (pour intégrer celle du patrimoine en péril), ni la manière dont le projet affecterait les engagements du gouvernement pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Le site de Stonehenge en 2007. © Photo Thegaretwiscombe, CC BY 2.0.
Le site de Stonehenge en 2007

Le juge Davis Holgate a toutefois rejeté les arguments soulevés par les plaignants, estimant notamment que le gouvernement respecte son protocole en s’engageant à travailler de concert avec des organismes pour atteindre ses objectifs en matière carbone durant la construction du tunnel.

John Adams, le directeur du SSWHS, a réagi dans un communiqué en déclarant que le jugement était un « coup dur qui expose le site à un vandalisme parrainé par l’État ». Il réaffirme malgré tout sa volonté de « continuer le combat » et annonce son intention de faire appel de la décision.

Une partie du recours, relative à l’impact environnemental du projet, n’a en revanche pas encore été abordée par le tribunal et sera tranchée ultérieurement.

Construit par étapes entre environ 3000 et 2300 av. J.-C., Stonehenge est l'un des monuments mégalithiques préhistoriques les plus importants du monde de par sa taille et sa précision architecturale. Le site est composé d’un ensemble de pierres dressées disposées en structures circulaires et de nombreux autres vestiges archéologiques, comme des tumuli. Il est considéré comme un lieu de culte, observatoire astronomique ou encore espace de sépulture.

Le site de Stonehenge vers 1885. Source Wikimedia / Public domain
Le site de Stonehenge vers 1885.
Photo Wikimedia

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