CHANTILLY
Après une période tumultueuse, le domaine s’est donné six objectifs, dont la création d’un musée consacré à François Vatel dans le château d’Enghien et de réserves dans les grandes écuries.
Chantilly (Oise). « Nous avons des directions claires, en toute sérénité ». Après la tempête des dernières années, Anne Miller, administratrice du château de Chantilly depuis février 2022, annonce le retour du beau temps. En ce mois de mai, c’est la préparation d’une grande exposition consacrée à Jean Auguste Dominique Ingres qui anime le château de l’Oise ; mais aussi six grands chantiers structurants, programmés dès l’arrivée de la nouvelle administratrice. Car, alors que le domaine de Chantilly était au cœur des polémiques concernant l’aménagement du château d’Enghien, à proximité, en hôtel de luxe et négociait âprement une enveloppe budgétaire salutaire post-Covid auprès de l’État, les équipes scientifiques étaient à pied d’œuvre. « J’ai trouvé un établissement en parfait ordre de marche, avec des équipes compétentes qui avaient lancé beaucoup de projets », souligne Anne Miller. Avec notamment un aménagement du château d’Enghien dans le but d’enrichir largement l’offre de visite.
Plus question d’hôtel de luxe pour le pavillon qui jouxte le château de Chantilly. « L’idée n’était pas inintéressante, concède Anne Miller, mais la configuration des lieux ne s’y prêtait pas. » Tout du moins, sans contrevenir à l’immuable testament du duc d’Aumale. Le nouveau projet respecte le testament de 1886, en y plaçant un centre d’interprétation. « Notre ligne directrice, c’est le testament du duc, et le visiteur doit comprendre à quel point il est important, explique Mathieu Deldicque, directeur du Musée Condé. Il faut un centre pour l’expliquer. » Le rez-de-jardin du pavillon d’Enghien proposera également une boutique, un espace de restauration – plébiscité par les visiteurs – ainsi qu’un atelier de cuisine.
Au second étage, c’est un nouveau musée qui verra le jour, consacré à François Vatel. Le légendaire maître d’hôtel du Grand Condé « a marqué l’histoire de Chantilly, mais n’est présent nulle part », remarque Mathieu Deldicque. Ce parcours fait l’objet d’un projet scientifique et culturel, en cours de rédaction, qui couvre une chronologie allant du XVIIe au XIXe siècle, et traitant des arts de la table et de la réception à la française. De grands services, comme celui en porcelaine récemment acquis par le château de Chantilly, formeront les collections de ce musée, où le multimédia et le numérique auront également leur place. Attenantes à ce musée, deux chambres seront restaurées par l’Académie des beaux-arts pour héberger des résidences d’académiciens ou d’artistes.
Les projets à venir concernent aussi la conservation des œuvres, que Chantilly met peu à peu aux normes après sa labellisation « Musée de France » en 2020. Le Musée Condé, deuxième collection de peintures ancienne du pays, va ainsi se doter de réserves. « Comme tout musée du XIXe, celui-ci a été créé sans réserve ; tout était exposé », rappelle Mathieu Deldicque. Au fil des besoins, des réserves improvisées se sont logées dans les greniers et les soubassements du domaine, bien loin des normes actuelles. Des nombreux scénarios à l’étude, c’est celui d’un aménagement des réserves à l’étage du Musée du cheval, à l’entrée du domaine, qui a été retenu. Un choix « éco-responsable », selon le directeur du Musée Condé, qui ne demande pas de construction nouvelle, et où la régulation du climat (la température et l’hygrométrie) devrait être affinée pour ne pas être énergivore.
Sous ces nouvelles réserves, le Musée du cheval se redéploie progressivement, « mécénat après mécénat », comme l’explique l’administratrice. Le parcours est composé de trois strates, celle originelle du duc d’Aumale, le Musée vivant du cheval fondé par Yves Bienaimé en 1982, et enfin les derniers aménagements de l’Aga Khan, grand mécène de Chantilly de 2005 à 2020. « Nous avons le souci de faire une synthèse de ces trois héritages, précise Mathieu Deldicque, en remettant les cavaliers au cœur de cette réflexion. L’objectif est d’être la référence en termes de patrimoine équestre sur le plan national. » Dans les années à venir, le cabinet des livres devrait également faire l’objet d’une grande restauration et d’une nouvelle muséographie : « C’est l’un des seuls espaces qui n’a pas bénéficié d’une restauration à l’époque de l’Aga Khan », explique Mathieu Deldicque.
Pour l’heure, la restauration du clos et du couvert du château d’Enghien (6 millions d’euros) et l’aménagement des réserves (2 millions d’euros) ont un plan de financement arrêté, abondé par les partenaires publics (État, Département, Région, Institut de France) et un peu d’autofinancement. Celui de l’aménagement d’Enghien, qui demandera une dizaine de millions d’euros, reste à établir : « On compte beaucoup sur le mécénat », glisse Anne Miller. « Pour les projets d’investissement, on aura toujours besoin d’aide, ajoute-t-elle, mais pour le fonctionnement, nous ne sommes pas très loin de l’équilibre budgétaire. »
Un engagement de l’État et de l’Institut de France forme une base de financement, à 1,5 million d’euros par an jusqu’en 2025, permettant à Chantilly de développer ces ressources propres. Un travail sur la marque (en s’inspirant de celui mené à Chambord), sur l’accessibilité en transports en commun, et des expositions estivales ambitieuses (bientôt André-Charles Boulle ou les Très Riches heures du Duc de Berry) font partie des actions qui pourraient permettre à Chantilly de financer son propre fonctionnement.
Le testament du duc d’Aumale constituant le fil rouge de ces différents projets mène, en outre, Anne Miller à envisager une candidature prochaine à la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco
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Les grands projets du château de Chantilly
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : Les grands projets du château de Chantilly