PARIS
L’hôtel Biron, qui abrite le Musée Rodin à Paris depuis 1919, nécessitait d’importants travaux de restauration. Ceux-ci ont duré trois ans et occasionné dix mois de fermeture au public. La muséographie, entièrement renouvelée, tient compte de l’évolution de la recherche sur le sculpteur et vise à illustrer son processus créatif. Une plus grande place est ainsi accordée à ses plâtres. Un soin particulier a aussi été apporté à l’éclairage.
PARIS - Comment présenter une œuvre mouvante, inventive et multiple ? Longtemps, l’œuvre d’Auguste Rodin (1840-1917) s’est vue limitée au marbre et au bronze, pièces achevées et nécessairement parmi les plus abouties du sculpteur.
Aujourd’hui, après trois années de travaux rendus impératifs par l’état critique des structures de l’hôtel Biron (lire p. 7), la nouvelle muséographie du Musée Rodin, à Paris, prend acte des recherches des historiens de l’art en présentant un processus créatif tumultueux, sinueux, obsessionnel parfois, alternant marbres, bronzes, plâtres et terres cuites – un parcours riche, pédagogique sans être trop didactique.
« Ce qui va surprendre nos habitués, c’est la place très importante donnée au plâtre », indique Catherine Chevillot, directrice du musée depuis 2012. « Ceci est la traduction de trente ans de recherches sur le sujet », poursuit cette grande spécialiste de la sculpture de la deuxième moitié du XIXe siècle, qui a pris les rênes du musée voici trois ans avec pour feuille de route la rénovation de l’hôtel Biron. « Le marbre, le bronze, sont des “arrêts sur l’image”, alors que le plâtre est presque le plus important, au plus près de la main de l’artiste », explique-t-elle.
De fait, des dizaines de plâtres sortis des réserves du Musée Rodin de Meudon (Hauts-de-Seine) apparaissent aujourd’hui, et représentent environ un tiers des 600 pièces exposées sur les deux étages de l’édifice. Sur les 123 sculptures restaurées pour l’occasion, 80 plâtres ont fait l’objet d’une intervention lors de cette campagne inédite par son ampleur au Musée Rodin, pour un coût total de 390 000 euros financés en totalité par l’institution. Dans le parcours chrono-thématique, cette affirmation du plâtre est frappante : dans la salle consacrée aux monuments funéraires de Victor Hugo et de Balzac, le choix a été de mettre en exergue l’Étude de robe de chambre (1897) pour le Monument à Balzac, une sorte d’« habit vide » consistant en un peignoir plongé dans du lait de plâtre. Central dans la pièce, l’objet d’étude est porté au même niveau d’intérêt que la statue de l’écrivain, imposante présence physique drapée dans son peignoir et placée en contrepoint.
Deux nouvelles salles
Ces trente années de recherche en histoire de l’art sur le processus créatif de Rodin, fruit des réflexions du musée sur sa muséographie, se traduisent également par l’ajout de deux nouvelles salles. Au rez-de-chaussée, l’équipe scientifique s’est attachée, pour l’un de ces nouveaux espaces intitulé « Rodin à l’hôtel Biron », à restituer un « état Rodin » d’après des documents photographiques (lire p. 7). Un ensemble hétéroclite d’objets aux origines diverses, issus de la collection personnelle du sculpteur, est présenté dans l’exacte disposition de l’époque, alors que celui-ci recevait volontiers artistes et collectionneurs dans sa demeure. Une Vierge à l’Enfant du XIVe siècle, un paravent, un meuble d’acajou supportant des vases antiques grecs et chinois, mais aussi une étrange sculpture en bronze d’un cerf monté par un génie asiatique côtoient des œuvres du maître juchées sur des sellettes en bois : l’esprit d’atelier n’est pas loin.
À l’étage, autre innovation, une salle « Rodin et l’antique », écho de l’exposition « Rodin, la lumière de l’antique » présentée à Arles et à Paris en 2013, montre 123 antiques provenant de la collection personnelle de Rodin. « Voici des statues abîmées, trouvées dans des ruines ; et parce qu’elles sont incomplètes, ne sont-elles plus des chefs-d’œuvre », déplorait l’artiste en 1907. Dans la rotonde de l’hôtel Biron, têtes sans corps et torses sans membres, fragments de mains et de pieds sont placés autour de L’Homme qui marche (1907), né de la réflexion de Rodin sur l’assemblage de fragments.
Le « regard renouvelé » sur Rodin revendiqué par le musée s’affirme aussi, paradoxalement, par la place octroyée à la peinture dans la nouvelle muséographie. Cinquante peintures font partie de l’accrochage, avec, en bonne place, l’œuvre symboliste du compagnon de route et ami Eugène Carrière (1840-1906). Son Théâtre de Belleville, passé par le Centre de recherche et de restauration des musées de France, surplombant la cage d’escalier de l’hôtel Biron, est une véritable redécouverte, qui nous plonge dans l’univers artistique de Rodin. Il faudrait encore mentionner l’ajout dans le parcours d’un cabinet d’arts graphiques dans une petite galerie centrale où se tiendront des expositions-dossiers.
Intimiste dans le choix des œuvres, au plus près de la pensée de l’artiste, le parcours ne manque pas de spectaculaire : Le Baiser (vers 1882), installé dans une salle consacrée à la Porte de l’Enfer (1880-vers 1890), retrouve son emplacement central, presque théâtral, voulu par l’artiste dans un jeu de perspectives multiples.
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Le Musée Rodin rouvre sous une forme repensée
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Légendes photos
Collection des marbres antiques de Rodin présentée lors de la réouverture du musée Rodin le 11 novembre 2015 © photo Ludosane pour LeJournaldesArts.fr
Rénovation des salles de l'hôtel Biron. © Photo : Agence photographique du musée Rodin/Jérôme Manoukian.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°445 du 13 novembre 2015, avec le titre suivant : Le Musée Rodin rouvre sous une forme repensée