PARIS
Dix ans après son ouverture, le musée logé dans le Palais de la Porte Dorée commence à s’enraciner.
C’est peu dire que le Musée de l’histoire de l’immigration n’a pas la vie facile. Lesté par un sujet ô combien mal aisé – l’immigration –, il doit aussi composer avec une dot qui ne facilite pas sa perception par le public. Voulu par le président Jacques Chirac en 2002, porté par Jacques Toubon, la Cité nationale de l’histoire l’immigration a trouvé refuge au Palais de la porte Dorée dans l’est de Paris, soit deux contraintes de départ. Jouxtant le périphérique qui fait la séparation avec la « banlieue » (mais la banlieue chic), le quartier est un peu excentré. Le bâtiment, ensuite, n’est pas commode. Le Palais de la porte Dorée a été construit en 1931 pour accueillir le Musée des colonies. Le télescopage avec sa nouvelle vocation ne manque pas de sel. Tout comme la présence d’un immense aquarium pour espèces tropicales marines et d’eau douce. Trois ans après son ouverture, le musée connaît en 2010 une grave crise avec en point d’orgue une longue occupation par des sans-papiers.
Depuis la « Cité », devenue le « Musée », remonte lentement la pente au point d’envisager l’avenir avec un peu plus d’optimisme sinon d’assurance financière. En 2010, Mercedes Erra , la présidente du géant de la communication Havas, accepte de présider le conseil d’administration du musée et lui fait depuis profiter des services de son agence de publicité BETC. L’aquarium et le musée sont réunis en 2012 dans un même établissement public, ce qui permet de mutualiser les moyens et de tirer parti des deux flux de visiteurs. En 2014, l’historien Benjamin Stora , une personnalité reconnue, est nommé à la tête du conseil d’orientation. Il convainc François Hollande d’inaugurer (enfin !) le musée, ce qui sera fait quelques jours avant les attentats contre Charlie Hebdo. En 2015, Hélène Orain, une énarque atypique, ex-conseillère budgétaire d’Aurélie Filippetti, succède à Luc Gruson à la direction générale de l’établissement, apportant une nouvelle énergie et son carnet d’adresses.
Largement composée de scolaires, la fréquentation a été durement affectée par les restrictions de déplacement consécutives aux attentats, notamment à l’aquarium qui pèse près de 60 % pour les 350 000 visiteurs annuels. En revanche, dynamisée par des expositions qui parviennent à présenter un visage attrayant de l’histoire de l’immigration, à l’instar de « Ciao Italia ! » et son nombre record de visiteurs en 2017, 91 000, le musée voit sa fréquentation augmenter régulièrement. Benjamin Stora a même dans les cartons une exposition sur Picasso, « un immigré » rappelle-t-il, qui devrait augmenter la notoriété des lieux.
De nombreux chantiers à mener
Mais si le musée n’a plus à défendre sa légitimité et qu’il s’installe progressivement dans le paysage muséal, il doit cependant faire face à de nombreux chantiers. Le Palais nécessite de sérieux travaux de rénovation ; l’aquarium est une véritable usine de traitement de l’eau qui n’a pas bénéficié d’investissements depuis quarante ans ; ensuite, Benjamin Stora voudrait donner plus de place à l’histoire coloniale dans l’exposition permanente, qui date de 2014 ; sans oublier le restaurant, les collections, les ressources pédagogiques… Et ce n’est pas le budget 2018 qui va permettre de financer tous ces chantiers. Grand seigneur, l’État (le ministère de la Culture et celui de l’Éducation) consent seulement à conserver les effectifs actuels (75 postes) et sa dotation de 10,2 millions d’euros. À charge pour l’établissement public d’aller au-delà de son 1,3 million d’euros de recettes propres pour conduire les projets. « Il faudrait au moins doubler le budget programmation », se désespère Benjamin Stora.
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Le Musée de l’immigration s’installe dans le paysage
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Abonnez-vous dès 1 €Le Palais de la Porte Dorée, siège du MuseÌe national de l'histoire de l'immigration (MNHI), Paris © Photo Mathieu Nouvel | Courtesy service presse du MNHI
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Le Musée de l’immigration s’installe dans le paysage