PARIS
Avant sa réouverture à l’automne, le Musée de la Marine qui vise une scénographie à l’accessibilité universelle teste l’expérience de visite auprès de personnes valides ou handicapées.
Paris. « Nous avons trouvé que c’était très clair, bien expliqué, bien signé. Mais ce serait mieux si les sous-titres étaient présents dès le début, en plus de la langue des signes ! » Mohamed-Ibrahim et sa compagne, Laurie, jouent franc jeu, et ils sont là pour ça. Aux côtés du couple, une quarantaine de personnes, recrutées par la newsletter ou sur les réseaux sociaux du Musée de la marine, ont été conviées au Palais de Chaillot, dans les bureaux flambant neufs du personnel. Ces familles avec de jeunes enfants, groupes d’adolescents et personnes sourdes ont répondu présents pour venir tester les futurs dispositifs de médiation du parcours permanent.
En quinze minutes, de pièce en pièce, ils découvrent les prototypes et répondent aux questions des prestataires qui les ont imaginés. « Depuis deux ans, nous avons organisé plusieurs tests, mais sur des publics très précis, comme des aveugles ou des personnes ayant un handicap mental, des accompagnateurs de groupes, des travailleurs sociaux, des enseignants… C’est la première fois qu’on fait appel à un grand public varié », explique Lucie Aerts, cheffe du service Médiation du musée.
Cinq appareils sont observés, parmi la vingtaine imaginée pour fonctionner en interaction avec le public. En amont, l’institution et le scénographe, Casson Mann, ont défini les tests et les périodes propices pour les réaliser, au moment où les dispositifs sont suffisamment aboutis pour que les essais soient pertinents, mais pas complètement finalisés, pour avoir le temps d’ajuster les réglages. Réunis et face au public, les créateurs de ces dispositifs (Squint Opera, Cent Millions de Pixels et Mgdesign) peuvent identifier les points à corriger.
L’animation « Paraguay », par exemple, permet, au moyen d’un casque de réalité virtuelle, de visiter le bateau du même nom. Mais « l’expérience a été conçue pour que des personnes en fauteuil roulant puissent y avoir accès, ce qui fait que les gens sans fauteuil sont assis moins confortablement », s’inquiète Lucie Aerts, déjà en quête de solutions. « J’imagine qu’il y aura un contexte autour, avec des objets ? », demande Laurence, venue comme testeuse avec son mari et ses deux enfants. Effectivement, la maquette du paquebot sera visible en vitrine juste à côté du dispositif « Paraguay ». Pour Lucie Aerts, le numérique se met ainsi au service des objets : « Le but du musée, c’est avant tout de mettre en valeur les œuvres, rappelle-t-elle. Souvent, ce sont des objets tellement insignifiants que les gens seraient passés à côté sans y faire attention. »
Avec ces nouveaux outils de médiation, l’institution espère fidéliser de nouveaux publics, plus jeunes, tout en continuant à attirer les habitués de l’ancien musée, mais surtout de rendre les lieux totalement accessibles et compréhensibles pour les publics handicapés. Les dispositifs essentiels à la compréhension de chaque espace comportent de l’audio en français et en anglais, une audiodescription scénarisée convenant aux personnes aveugles sans être rébarbative pour les autres publics, une description « facile à lire et à comprendre » pour les personnes ayant un handicap mental ou des difficultés de lecture, une traduction en langue des signes et des encoches tactiles et bandes en braille.
« Il faut que tout le monde ait une expérience à vivre qui lui soit adaptée », insiste Lucie Aerts. Dans cette optique, les équipes du musée sont même allées jusqu’à imaginer un agencement inédit en France : la « bulle ». Cet espace de neuf mètres carrés est inspiré de la méthode Snoezelen, utilisée pour accompagner les personnes ayant un trouble du spectre autistique ou un handicap mental. Grâce à des stimulations sensorielles, le lieu permet à ce public de retrouver la sérénité en cas de crise d’angoisse. Des créneaux de visite « calme », avec une ambiance adoucie, vont aussi être proposés régulièrement et une carte sensorielle permettra d’indiquer les endroits plus éclairés ou plus bruyants, pour prévenir les personnes les plus sensibles.
Comme pour le site Internet et les éléments de médiation, l’innovation a été co-construite et validée par des personnes concernées, et avec l’aide de la société Careed, experte en accessibilité. « L’idée, c’est d’ancrer cela dans notre démarche, pas uniquement pour le site de Paris pendant la rénovation, mais aussi pour les musées des ports, dès que nous aurons un sujet à tester », conclut Alice Veissier, responsable de l’Observatoire des publics au musée. Le prochain défi sera de questionner des publics peu ou pas habitués aux musées.
Le Musée de la Marine en quête de modernité
Projet éditorial. 250 ans après son inauguration et sans rénovation depuis 1943, le Musée national de la marine ouvre ses portes cet automne. Après six ans de travaux, il se dote d’un parcours inclusif. Il s’agit de l’un des plus gros chantiers muséaux actuels en France. Avec un budget de 71,6 millions d’euros, financé par le ministère des Armées, le Musée de la marine se transforme de la proue à la poupe. « Ma feuille de route tenait en une phrase : transmettre le goût de la mer à tous les publics, et notamment aux jeunes générations, précise Vincent Campredon, directeur de l’établissement. Si nous voulions un musée d’aujourd’hui, qui attire les gens, il fallait tout refaire », poursuit-il. L’ex-directeur de la communication de la Marine nationale a en effet l’objectif ambitieux de tripler les visites. Avant la fermeture, en 2017, les fréquentations atteignaient à peine les 100 000 visiteurs par an. Pour séduire les publics, l’accessibilité universelle est un critère important, mais le succès de l’établissement passera aussi par le choix des thématiques abordées. « Il a fallu changer complètement le projet éditorial pour faire un musée d’avenir sur la mer et ses enjeux, et pas seulement sur la Marine nationale : l’économie, la science, l’environnement… », explique Vincent Campredon. Le lieu culturel imaginé sous Louis XV fait donc, enfin, son entrée dans le XXIe siècle. « On s’ouvre à l’avenir du monde ! », se réjouit le directeur. Sur 8 500 mètres carrés, les neuf cents objets restaurés, un espace consacré à l’actualité et un auditorium vont s’articuler pour sensibiliser le plus grand nombre possible au passé, au présent et au futur de la mer, dès la mi-octobre.
Héloïse Décarre
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Le Musée de la Marine teste ses nouveaux dispositifs de médiation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : Le Musée de la Marine teste ses nouveaux dispositifs de médiation