MUNICH / ALLEMAGNE
L’imposant centre d’art construit par les nazis en 1937 est l’objet de plusieurs polémiques.
Un bâtiment délabré, des visiteurs absents, des finances dans le rouge, un poste de directeur artistique vacant depuis le mois de juin, des expositions annulées à la dernière minute, des scientologues parmi le personnel… La Haus der Kunst est un navire en perdition, dont les brèches dans la coque doivent rapidement être bouchés pour ne pas sombrer à tout jamais.
Consciente de ces problèmes, la région-État de Bavière, qui est le plus important actionnaire de cette institution, a décidé de réagir. « Depuis deux ans, cette maison se distingue par son instabilité et son agitation, condamnait sur les ondes de la radio Bayerischer Rundfunk Bernd Siblerle ministre bavarois de la Science et des Arts. Nous devons nous éloigner de tout cela pour nous concentrer sur ce qui est crucial, à savoir l’excellence artistique, et assurer la continuité, la paix et la stabilité. » Pour ce faire, une commission de trois experts pilotée par Bice Curiger, qui est en charge de la direction artistique de la Fondation Van Gogh à Arles a été nommée. Cette équipe a pour mission d’organiser les prochaines expositions en attendant la nomination d’un nouveau directeur artistique pour ce lieu hautement symbolique et chargé d’histoire.
Cet édifice, en plein cœur de Munich, à côté du parc Englischer Garten de 375 hectares, est un des plus importants lieux d’exposition d’art contemporain en Allemagne. Inaugurée en 1937, la Haus der deutschen Kunst (« Maison de l’art » allemand) a été construite selon les canons de l’architecture national-socialiste. Aujourd’hui encore, une mosaïque avec des croix gammées est visible au plafond. L’exposition inaugurale présentée dans cet imposant bâtiment de 175 mètres de longueur et 75 mètres de largeur condamnait l’art moderne que les nazis appelaient « l’art dégénéré ». Ce symbole du IIIe Reich a été utilisé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale comme un club pour les soldats américains avant de devenir un centre d’exposition d’art contemporain.
Depuis quelques années, ce musée sans collection est au centre de nombreuses polémiques qui ont gravement entaché sa réputation. En 2017, une enquête interne a prouvé que plusieurs scientologues travaillaient dans le musée. Cette affaire a créé un scandale, car en Bavière la scientologie est considérée comme une menace pour la démocratie et les fonctionnaires de la région peuvent être licenciés lorsque leur appartenance à ce mouvement aux dérives sectaires est avérée ; ce qui fut d’ailleurs le cas pour ceux de la Haus der Kunst.
Le départ en juin dernier du directeur artistique pour des raisons de santé n’a également pas calmé les critiques contre cette figure majeure du monde contemporain. Né au Nigeria en 1963 et ne parlant pas un mot d’allemand, Okwui Enwezor ne s’est pas fait que des amis durant ses sept années à Munich. L’exposition intitulée « Postwar », qui s’intéressait à la production artistique des vingt années suivant la Seconde Guerre mondiale, a été acclamée par la critique, mais boudée par le public. Rassembler plus de 350 œuvres en provenance de 50 pays a coûté 4,4 millions d’euros au musée, alors que son budget prévisionnel était de 1,2 million d’euros. Ce dérapage n’a pas permis au musée d’équilibrer cette année-là ses comptes, qui ont affiché un déficit de 500 000 euros. Ces soucis financiers ont contraint l’établissement à annuler l’an dernier deux expositions consacrées aux artistes américains Adrian Piper et Joan Jonas.
La rénovation de la Haus der Kunst, dont le toit fuit les jours de grosses averses, devrait néanmoins toujours être lancée en 2020. Ce projet piloté par l’architecte britannique David Chipperfield pourrait toutefois nécessiter la fermeture totale des salles d’exposition, ce qui obligerait le futur directeur artistique du musée à trouver un autre lieu pour présenter temporairement ses œuvres. Le successeur d’Okwui Enwezor ne va pas manquer de travail au lendemain de sa nomination.
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Le « musée » d’art contemporain de Munich en pleine tempête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°516 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Le « musée » d’art contemporain de Munich en pleine tempête