MADRID (ESPAGNE) [09.04.15] – La polémique enfle concernant la revendication de quatre chefs-d’œuvre du Musée du Prado par l’organisme public Patrimonio Nacional. Ce dernier les destine au Musée des Collections Royales, qui doit ouvrir en 2016.
Les déclarations faites lundi 6 mars dans le journal El País par José Rodríguez-Spiteri, président de Patrimonio Nacional, qui a revendiqué à nouveau plusieurs chefs-d'œuvre du Musée du Prado pour le futur Musée des Collections Royales a relancé un débat épineux en Espagne.
Patrimonio Nacional est un organisme public chargé des biens appartenant à l'État provenant de l'héritage de la Couronne espagnole. Ses missions principales sont la gestion et la diffusion auprès des citoyens de cet héritage historique et artistique. Les quatre œuvres de la discorde appartiennent à Patrimonio Nacional, toutefois elles ont été déposées au Musée du Prado entre 1932 et 1936. Ce sont des chefs-d’œuvre incontestées du musée madrilène : La Descente de Croix de Rogier Van der Weyden, Le Jardin des délices et Les sept péchés capitaux de Jérôme Bosch, ainsi que Le Christ lavant les pieds de ses disciples du Tintoret. Ce dépôt a été officialisé par un décret en 1943, renouvelé régulièrement, mais arrivé à son terme en février 2015. En juillet 2014, Patrimonio Nacional avait lancé des négociations avec le Prado afin d’obtenir le retour de ces œuvres, ce qui a provoqué une vaste controverse en Espagne. La vice-présidente du gouvernement, Soraya Sáenz de Santamaría, avait fini par déclarer que les œuvres « ne quitteront pas le Prado ». Le ministre de l'Éducation, de la Culture et du Sport et le secrétaire d'Etat à la Culture avaient également fait des déclarations en ce sens.
Mardi 7 mars, diverses voix du monde des arts se sont exprimées autour de cette polémique relancée par José Rodríguez-Spiteri. Alors que certains soulignent que ces œuvres appartiennent effectivement à Patrimonio Nacional et que l’organisme est en droit de les réclamer, la majorité des professionnels des musées sont contre ce déplacement. Les responsables du Prado ont réagi aux propos du président par une note, envoyée à El País : « Les peintures sont des biens publics et non privés […] ; c’est-à-dire qu’elles appartiennent à tous les Espagnols. Elles forment une part essentielle de l’identité du Musée du Prado et sont exposées, de plus, dans le contexte historique et artistique le plus approprié pour leur valorisation spécialisée et l’appréciation des citoyens. Ainsi l’a compris le gouvernement, qui tout au long de ce processus a fourni régulièrement au musée les plus amples garanties pour le maintien permanent des peintures en son sein ». Josep Serra, directeur du Musée National d’art de Catalogne, et Fernando de Terán, directeur de l’Académie des beaux-arts de San Fernando, se sont exprimés en faveur du maintien de ces œuvres au Prado en s’appuyant sur les mêmes arguments.
Le projet du Musée des Collections Royales a été impulsé en 1999 par Patrimonio Nacional, cependant, une suite de controverses a retardé considérablement son ouverture. Dès ses débuts, une polémique autour du concours lancé par l’organisme pour définir le projet architectural a ralenti sa mise en place. C’est finalement le cabinet d’architecture Tuñón y Mansilla qui a été désigné et le chantier de construction a démarré en 2006, avec une date d’ouverture initialement prévue pour 2012. José Luís Díez, ancien chef de la conservation des peintures du XIXe siècle au Prado a été élu en janvier 2014 directeur du Musée des Collections Royales.
A l’origine, ce musée devait être dédié à l’exposition de tapisseries et voitures issues des collections royales. Un remaniement a été décidé par l’organisme, de peur que ce musée spécialisé n’attire pas le public escompté. Le concept retenu a été de mettre en lumière le mécénat royal espagnol à travers les siècles et de façon globale, en s’appuyant sur des chefs-d’œuvre connus du public. Patrimonio Nacional possède une collection riche de plus de 154 000 œuvres, du Moyen-Age à nos jours, déposées dans une quarantaine d’établissements différents, palais, ambassades et musées, comme le Prado. Des négociations ont ainsi été entamées afin de récupérer ces œuvres pour les exposer dans le futur musée, avec une division selon les deux dynasties royales espagnoles majeures, Habsbourg et Bourbon. Dans son interview, José Rodríguez-Spiteri a affirmé qu’ils n’avaient rencontré de problèmes qu’avec le Prado, les autres institutions contactées ayant accepté de rendre les œuvres déposées. Il propose aussi une solution alternative pour débloquer la situation, à savoir que les quatre œuvres restent dans la collection permanente du Prado, mais qu’elles puissent régulièrement être exposées au Musée des Collections Royales.
Le chantier du Musée des Collections Royales, situé dans le complexe du Palais Royal de Madrid, est dans sa dernière phase de construction. Avec un budget total de 160 millions d’euros, soit 40 millions de moins que prévu, le musée a une superficie de 40 500 m², dont 12 600 de surface utilisable. Les trois salles d'exposition ont chacune une superficie de près de 5 000 m², tandis que les vestiges archéologiques découverts lors de la construction occupent 2 000 m². Le musée a pour ambition de devenir le plus grand musée de tapisseries au monde aux côtés de Vienne avec près de 3 000 pièces, parmi lesquelles certaines n’ont jamais été dévoilées au public. Il devrait également se placer à la troisième place des plus grands musées d’Espagne derrière le Musée du Prado. Son ouverture est prévue à la fin de l’année prochaine.
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Le futur Musée des Collections Royales en Espagne contrarie le Musée du Prado
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Abonnez-vous dès 1 €Le futur Musée des collections royales à Madrid © Photo Luis GarcÁa Zaqarbal - 2015 - Licence CC BY-SA 3.0 ES