PARIS
Fermé au public depuis 2005, le bâtiment abritant les collections d’arts et traditions populaires est aujourd’hui vide et inoccupé, Ville et État se renvoyant la balle pour désamianter l’édifice.
PARIS - L’ouverture de la Fondation Louis Vuitton à la fin octobre a paradoxalement remis sous les projecteurs un édifice oublié depuis quelque temps du paysage parisien. Difficile de rater, en effet, un bâtiment de onze étages, à l’allure imposante et sombre quoique délabrée, situé à quelques pas seulement de l’édifice flambant neuf conçu par Frank Gehry. L’ancien Musée national des arts et traditions populaires (ATP), fut fondé par le muséologue Georges Henri Rivière en 1937 ; fermé au public depuis 2005, il trône tristement dans ce vestige de l’âge d’or de l’ethnographie qu’est le Jardin d’acclimatation, où il fut installé en 1972 après avoir été abrité au sein de l’ancien Musée des monuments français. Œuvre des architectes Jean Dubuisson et Michel Jausserand, l’édifice, salué à l’époque pour sa grande modernité, a reçu le label « Patrimoine du XXe siècle », un titre qui ne lui assure cependant aucune protection juridique.
Depuis la décision dans les années 2000 du transfert des collections au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) à Marseille, rien n’a été prévu pour assurer le devenir de l’immeuble, dont la valeur est pourtant estimée entre 58 et 60 millions d’euros selon un rapport de la Cour des comptes établi à la fin juillet 2014. Tous les regards et les budgets étant tournés vers Marseille, le bâtiment, déjà bien usé, se dégrade petit à petit. En 2013, les derniers employés du musée quittent le navire, qui, depuis, est entièrement inoccupé.
Imbroglio administratif
Depuis l’inauguration de la Fondation Vuitton, une palissade en trompe l’œil a été montée autour des ATP pour cacher aux curieux la vision de portes closes et, sans doute, de l’état délabré des huisseries. Pourquoi cet apparent désintérêt pour le bâtiment, à quelques mètres du chantier de la Fondation, censée redynamiser le Jardin d’acclimatation et l’attractivité de cette partie du bois de Boulogne ?
Selon les termes d’une convention signée en 1954, le terrain sur lequel est bâti le musée appartient à la Ville de Paris, qui en concède l’usage à l’État, une sorte d’enclave dans un Jardin d’acclimatation géré par une société privée. Dans cette optique, l’État doit rendre les clefs de l’édifice à la Ville en 2015 en bon état. Le problème, soulevé par la Cour des comptes, réside dans la structure interne du bâtiment : très amianté, il est aujourd’hui impropre à toute fonction, et le désamiantage est estimé entre 50 et 80 millions d’euros, soit plus que la valeur de l’immeuble lui-même. À la Ville, on ne souhaite pas endosser le coût des travaux, qui incomberaient à l’État. Au ministère de la Culture, personne ne désire s’exprimer. On tente actuellement de démêler l’imbroglio administratif.
Le plan local d’urbanisme de la Ville de Paris prévoit un usage culturel à la parcelle. Destruction ou rénovation, les projets évoqués n’en sont pour l’instant qu’au stade de la réflexion : il a été question de relocaliser et centraliser le Centre national du cinéma (CNC), d’affecter les locaux à l’université Paris-Dauphine, de créer un « centre de restauration du patrimoine ». Une autre hypothèse consisterait en une opération immobilière qui permettrait de concéder la parcelle à une entreprise privée pour en faire un complexe hôtelier. Le Musée des ATP est depuis toujours indépendant de la société de gestion du Jardin d’acclimatation, une filiale du groupe LVMH, mais des discussions seraient également en cours pour déléguer de manière temporaire l’occupation du lieu au Jardin.
Errements
Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour fustiger l’absence d’un projet à long terme pour l’édifice, quinze ans après la décision de quitter Boulogne pour Marseille. Chercheurs, ethnologues et sociologues attachés au projet de Georges Henri Rivière et à sa conception du Musée des ATP dénoncent les errements des autorités de tutelles, à l’image de Martine Segalen, ancienne directrice du Centre d’ethnologie française (qui était abrité au sein du Musée des ATP), qui déplore l’abandon de « la boîte d’allumettes ». D’autres estiment aujourd’hui que les quelque 150 000 ouvrages de l’ancienne bibliothèque des ATP ne sont pas aussi accessibles à Marseille qu’ils l’étaient à Paris, une affirmation démentie par les équipes du MuCEM (lire le JdA.fr du 9 décembre 2014) net de son centre de documentation et de ressources, délocalisé à la Friche la Belle-de-Mai. Au Jardin d’acclimatation, la palissade a encore de beaux jours devant elle.
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Le devenir incertain de l’ancien Musée des ATP
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Abonnez-vous dès 1 €L'ancien Musée des Arts et Traditions Populaires (ATP), Paris - Décembre 2014 © photo Ludosane pour LeJournaldesArts.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°427 du 16 janvier 2015, avec le titre suivant : Le devenir incertain de l’ancien Musée des ATP