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PATRIMOINE

La maison Cocteau sans Berger

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2018 - 676 mots

MILLY-LA-FORÊT

La Maison Cocteau de Milly-la-Forêt, qui bénéficiait jusqu’ici du soutien de Pierre Bergé, a fermé ses portes en attendant un repreneur.

La Maison Cocteau à Milly-la-Forêt © Photo SiefkinDR, 2016 CC BY-SA 4.0.
La Maison Cocteau à Milly-la-Forêt
Photo SiefkinDR, 2016

Milly-la-Forêt. Chaque hiver, la Maison Cocteau de Milly-la-Forêt clôt ses portes. Cette année, c’est une fermeture anticipée sans date de réouverture programmée. Les six membres de son personnel ont été licenciés en janvier, seule la directrice conserve son poste au moins jusqu’au mois de juin. À tous, il a été interdit de s’exprimer. Un point d’interrogation entoure désormais le devenir de cette maison d’artiste. Témoignage de l’inquiétude ambiante à Milly : une pétition a été lancée pour demander le sauvetage de ce lieu emblématique de la petite ville de l’Essonne, où Cocteau a passé les derniers temps de sa vie.

Le poète, dessinateur, dramaturge et cinéaste s’installe en 1947 dans cette ancienne « maison du bailli » de style Louis XIII. C’est à son dernier compagnon Édouard Dermit, devenu légataire universel après avoir été adopté par le poète, que revient la maison au décès de Cocteau en 1963. À la mort d’Édouard en 1995, ce lieu qu’il a préservé revient à son fils Stéphane Dermit. Ce dernier proposera à son parrain, l’homme d’affaires Pierre Bergé – devenu titulaire du droit moral de l’œuvre de Cocteau – d’acheter le site. Aidé d’importantes subventions de la Région Île-de-France et du département de l’Essonne, Pierre Bergé acquiert la maison, son jardin et ses meubles en 2002 et l’ouvre au public en 2010 (lire JdA n° 329 du 9 juillet 2010).

La Maison Cocteau, à Milly-la-Forêt
La Maison Cocteau, à Milly-la-Forêt
Photo D.R

Dans le parcours, constitué principalement d’œuvres mises en dépôt par Stéphane Dermit, quelques salles restituent l’ambiance de la maison d’artiste, et d’autres ont été réaménagés en espace muséal épuré. Lorsque Pierre Bergé décède en septembre 2017, beaucoup de commentateurs ont pensé que la Maison Cocteau serait prise en main par sa fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent qui a entretenu jusqu’ici la confusion dans son rapport au lieu. Mais la situation est plus complexe. « C’est à titre personnel que Pierre Bergé soutenait la maison », déclare aujourd’hui la Fondation. Plus exactement, Bergé avait créé l’association Maison Jean Cocteau – propriétaire des murs de la maison et de son mobilier – qu’il présidait entouré de personnes recrutées pour la plupart parmi ses fidèles du comité Jean Cocteau, chargé d’assister le président dans l’exercice du droit moral sur l’œuvre de l’artiste. Depuis la mort de Pierre Bergé, c’est la romancière Dominique Marny, petite-nièce de Cocteau, qui assure la présidence de ce comité. Aujourd’hui, les héritiers de Pierre Bergé n’entendent plus soutenir ce lieu, dont Bergé finançait sur ses deniers propres le fonctionnement à 80 %. Le comité Cocteau, chargé de trouver un site et un nouveau repreneur, travaille aujourd’hui à ce que la maison soit placée sous la tutelle d’une collectivité territoriale. Si les collectivités ont pu exprimer leur regret d’avoir été mises devant le fait accompli avec une fermeture anticipée de la maison, elles n’entendent cependant pas abandonner ce lieu qui pourrait leur être cédé avec le mobilier à condition que soit maintenue la vocation du site : faire rayonner l’œuvre de Cocteau.

Valérie Pécresse, présidente du Conseil Régional d’Île-de-France a fait connaître sa volonté de « tout faire pour sauver la Maison Cocteau ».­Aurélie Gros, vice-présidente chargée de la Culture et du Tourisme au conseil départemental, qui est aussi conseillère régionale, est au diapason. « On étudie toutes les solutions pour une réouverture en juin. » Certaines œuvres, propriété de la Fondation Bergé -YSL (telles une toile de Marie Laurencin ou une sérigraphie d’Andy Warhol à l’effigie de Cocteau) pourraient rester sur place. Quant à l’important dépôt de la collection Dermit, le cœur du musée, il est en train de changer de propriétaire. Une partie de ces œuvres, majoritairement des dessins, ont fait l’objet d’une dation au Centre Pompidou, afin que les fils de Stéphane Dermit paient les droits de succession après la mort de leur père en 2015. Les œuvres ont déménagé de Milly pour rejoindre le Musée d’art moderne parisien afin d’effectuer l’inventaire des pièces, selon Hugues Charbonneau, secrétaire général du Comité Jean Cocteau, qui espère qu’elles pourront revenir à l’envoyeur sous forme de dépôt.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : La maison Cocteau sans berger

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