La réalisation d’un CIAP est lente et passe souvent après celle d’autres lieux culturels, par un parcours semé d’embûches.
Aujourd’hui 184 territoires, communes ou regroupements de communes sont labellisées Villes et pays d’art et d’histoire (VPAH). Selon la liste établie par la Direction du patrimoine du ministère, on ne trouve cependant aujourd’hui que trente CIAP disséminés sur le sol français, ainsi que dix « espaces de préfiguration », sortes de petits CIAP se limitant à une présentation permanente sommaire.
Pourtant, dès le moment de leur candidature au label VPHA, les élus sont invités à présenter au ministère de la Culture les contours d’un CIAP à venir et à établir un recensement des lieux qui pourraient abriter cet équipement. Un avant-projet qui est d’ailleurs un critère pour obtenir l’appellation. « La conception d’un CIAP prend du temps », explique Pascale Corre, chef du bureau de l’architecture et des réseaux. « Afin qu’il ait une très bonne connaissance de son territoire, on préconise que l’animateur du patrimoine, recruté au moment de la labellisation, soit en fonction depuis au moins trois ans avant de se lancer dans la création d’un CIAP. » D’autant que les étapes sont longues, comprenant notamment, comme pour un musée, l’élaboration d’un plan culturel et scientifique (PSC) qui doit être validé par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) et l’administration centrale du ministère. En outre, la construction d’un CIAP (dont la scénographie est financée à hauteur de 100 000 euros par la Drac) n’est souvent pas une priorité, car elle se rajoute à des missions patrimoniales fortes pour les élus, souvent chargés aussi d’assurer la conservation des collections de musée ou l’entretien d’un patrimoine bâti. « On peut comprendre que la constitution d’un outil de médiation puisse apparaître comme superflue dans une période où les budgets se rétrécissent », commente Xavier Villebrun, directeur de l’Association des animateurs du patrimoine.
Une proposition redondante
D’autant que les thématiques couvertes par les CIAP peuvent empiéter sur les plates-bandes d’autres lieux culturels, tels les musées d’histoire, les maisons thématiques ou les équipements interprétatifs. Y a-t-il par exemple besoin d’un CIAP à Nantes, ville labellisée VPAH, alors que le château des ducs de Bretagne propose une vision exhaustive de l’évolution de la ville ? Parfois perçu comme superflu, le CIAP préconisé par le ministère de la Culture n’en est pas moins très ambitieux. Tant dans sa structure (le guide méthodologique préconise une surface totale de 350 m2) que dans son concept : il doit en effet présenter une vision historique du territoire à même de donner aux touristes les clefs du passé de la ville, mais aussi s’affirmer comme un outil de citoyenneté capable d’expliquer aux habitants les enjeux contemporains (urbanisme, protection du patrimoine…) de leur cadre de vie. Et ces exigences sont encore plus compliquées à mettre en œuvre dans le cas d’un CIAP « de pays », relatif non pas à une seule commune mais à un regroupement de communes ou à l’ensemble d’un territoire labellisé VPAH. Il n’existe d’ailleurs qu’une poignée de CIAP « de pays » car c’est souvent compliqué d’en concevoir un.
Quelle commune choisir pour implanter le lieu ? Et quel discours tenir ? « II est nécessaire de parler de l’ensemble d’un territoire, potentiellement très large, mais aussi des spécificités du lieu ou le CIAP est implanté », explique Béatrice Grandchamp, conseillère ville et pays d’art et d’histoire au sein de la Drac Rhône-Alpes. Pour surmonter cette difficulté à faire le grand écart entre une vaste étendue et la proximité au sein d’un même parcours, la mode est à la perspective de « CIAP éclatés » sur plusieurs lieux. « L’idéal serait de créer un CIAP principal qui synthétise l’ensemble du territoire labellisé et de placer des petits CIAP antennes dans d’autres communes pour aborder certaines thématiques ou certains espaces en particulier », précise-t-elle. Un vœu pieux pour le moment, tant ce dispositif de « CIAP éclaté » est compliqué à mettre en place. On peut en effet comprendre qu’il soit difficile de faire naître un réseau cohérent de CIAP au sein d’un territoire quand il est déjà complexe d’en construire un seul. Plusieurs intercommunalités, composées de communes parfois désargentées et n’entretenant pas toujours des rapports d’égalité, s’y sont cassé les dents.
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La difficile émergence d’un nouvel équipement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : La difficile émergence d’un nouvel équipement