En quête d’un positionnement plus clair, de nombreux CIAP sont en train de revoir leur modèle. Le ministère de la Culture prépare pour 2016 un guide moins exigeant.
Beaucoup de CIAP (centre d’interprétation d’architecture et du patrimoine) sont appelés à voir le jour dans les années à venir », explique Pascale Corré, chef du bureau de l’architecture et des réseaux au sein du ministère de la Culture. « Nous sommes dans un moment d’émergence, on voit passer beaucoup d’échanges de mails entre des animateurs du patrimoine qui comparent leurs PSC [plan culturel et scientifique] », confirme Xavier Villebrun, directeur de l’association des animateurs du patrimoine, en fonction à Laval (Mayenne). Ce dernier planche d’ailleurs sur le projet d’un CIAP dans le château neuf de la ville, qui a bénéficié récemment d’un large chantier de restauration.
Depuis 2008, le label VPAH, autrefois attribué ad vitam aeternam, doit faire l’objet d’un renouvellement tous les dix ans. Aussi vaut-il mieux que les élus se soient engagés dans un projet de CIAP pour ne pas risquer de perdre l’appellation. Pour certaines collectivités, qui ont exprimé l’objectif de mettre en place cet équipement, la réalisation effective peut cependant rester assez lointaine. La ville de Cahors (Lot) a par exemple annoncé la création d’un futur CIAP (1). Mais, la perspective de voir le label VPAH détenu par la ville s’élargir à un plus vaste territoire dans les années à venir repousse ce projet dans le temps. De plus, « on sent le ministère très lointain et les financements VPAH se rétrécir, ce qui n’encourage rien », ajoute Emmanuel Carrère, animateur du patrimoine de la cité méridionale.
Simplification des conditions d’accès
Ces dernières années, le ministère s’est néanmoins attaché à insuffler une nouvelle dynamique pour les CIAP. Des groupes de travail se sont réunis et un nouveau mode d’emploi est en cours d’élaboration, visant à revoir celui de 2007, jugé trop ambitieux par les différents acteurs. Quelles orientations pour les CIAP dans ce nouveau guide, qui doit paraître courant 2016 ? Il devrait se montrer moins exigeant en termes d’espaces, ne réclamant plus qu’une présentation temporaire. « Le mode d’emploi de 2007 ne prenait pas assez en compte la diversité des bâtiments dans lesquels un CIAP est susceptible de s’implanter », explique Pascale Corré. Exit notamment le centre de documentation, qui peut faire doublon avec les bibliothèques. Si les structures du CIAP doivent être laissées plus que jamais à l’appréciation des collectivités, c’est sur le contenu de l’exposition permanente que le ministère entend donner des préconisations, conseillant des dispositifs plus modulables et une médiation écrite moins volumineuse. Malgré leur pédagogie, les textes, qui occupent parfois l’essentiel des CIAP, sont extrêmement exigeants pour le visiteur. D’autant que l’enquête de 2011 sur le public des Villes d’art et d’histoire a montré que les participants aux visites guidées des VPHA, cible importante pour les CIAP, étaient « plus populaires » que celui des musées et des monuments. « On aimerait une plus large part de dispositifs visuels », indique Pascale Corré. Le ministère espère que la maquette pourra notamment devenir « l’objet identitaire » des CIAP, sorte de signe de reconnaissance d’un réseau d’équipements qui, on l’a vu, est très mal identifié par la population. Plus généralement, les CIAP semblent s’orienter de plus en plus vers une approche d’appropriation citoyenne de la ville contemporaine. « Donner les clefs de l’actualité, relier l’aspect patrimonial avec la gestion d’aujourd’hui », tel est le premier but du CIAP de Bordeaux, qui présente actuellement une exposition sur la révision du secteur sauvegardé de la ville. Ouvert en 2014, il est régulièrement cité en exemple par le ministère. Certains ancêtres des CIAP ont du mal à souffrir la comparaison, ayant essuyé les plâtres d’un concept qui a évolué depuis les années 1990. Les « salles du patrimoine » consistaient alors en une vitrine des principaux monuments de la ville ou du pays visant à inciter le public à les visiter. Ainsi, par exemple, deux « espaces de présentation et d’interprétation du patrimoine baroque », implantés dans les Hautes vallées de Savoie (labellisées VPAH) ne sont plus considérés comme faisant partie du réseau des CIAP par la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Rhône-Alpes, car n’embrassant pas les enjeux architecturaux et patrimoniaux du territoire dans leur ensemble. Certaines « mises à niveau » des CIAP sont aujourd’hui à l’ordre du jour. Ainsi le CIAP de Soissons espère-t-il s’agrandir en investissant un bâtiment voisin afin d’intégrer l’architecture contemporaine et les chantiers en cours de la ville dans son discours.
Le CIAP s’est cherché et se cherche encore. Et les questions sont toujours légion. Il est en effet difficile de réglementer une médiation qui peut être délivrée de multiples façons. Ainsi peut-elle prendre la forme de dispositifs itinérants. C’est la solution choisie par le Pays d’art et d’histoire des Hautes vallées de Savoie qui, plutôt qu’un CIAP fixe, propose de découvrir le territoire par le biais de promenades et de mallettes pédagogiques. Les possibilités sont nombreuses, expliquent plusieurs personnes en charge du label au sein des Drac, qui sont loin de partager toujours la même vision du CIAP. Aussi ces derniers avancent-ils encore dans un certain brouillard.
(1) La ville bénéficie déjà d’un espace intitulé la Maison de l’eau, centre d’interprétation consacré à l’eau.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Un modèle encore en devenir