PARIS
Lancée en 2018 par le Centre Pompidou, la nouvelle activité de formation continue tournée vers le monde de l’entreprise a dû temporairement fermer ses portes en raison du Covid. L’École pro avait accueilli 800 participants en 2019.
Paris. L’année 2020 aurait dû être celle de sa montée en puissance. Lancée en mai 2018, « l’École pro » du Centre Pompidou n’a connu qu’une seule année de plein fonctionnement, en 2019, où elle a accueilli environ 800 participants au cours d’une quarantaine de journées. « Nous nous étions fixé des objectifs raisonnables », commente Julie Narbey. La directrice générale du Centre, en poste depuis 2017, supervise cette nouvelle offre qui ouvre les portes du musée à l’entreprise. Julie Narbey avait déjà eu l’occasion, en tant que directrice générale déléguée du Palais de Tokyo, de réfléchir à ces sujets, en lien avec la recherche de ressources propres. Elle a donc rapidement œuvré à la mise en place et au développement de cette branche pédagogique, reconnue éligible aux budgets de la formation continue. « Cette initiative est fondée sur la conviction que les artistes et les œuvres peuvent aider les entreprises à trouver du sens, à être plus agiles, plus créatives pour expérimenter les transformations auxquelles elles sont confrontées », affirme-t-elle.
Le programme de « l’École pro » comprend une quinzaine de formations déclinées autour de thématiques telles que la créativité, l’engagement, la transformation digitale, l’entrepreneuriat, ou de secteurs économiques comme le luxe, le design ou la ville envisagés à travers le prisme de l’art. Leurs objectifs de formation empruntent à la sémantique onirique – « voyager sur les chemins de l’imaginaire » – ou au vocabulaire du management – « engager durablement autour de la raison d’être de son organisation »; « incarner la confiance pour partager collectivement »… La plupart de ces formations, dans une recherche de crédibilité, ont été élaborées en partenariat avec des organismes spécialisés reconnus, tels que le cabinet de conseil en transformation Turning Point, ou les pôles « Executive Education » de grandes écoles comme Sciences Po, Polytechnique, les Mines… Ces institutions partenaires relaient ces offres en les mettant en avant. En effet, « un DRH [directeur des ressources humaines] ne va pas forcément aller chercher ce type de formations sur le site d’un établissement culturel », explique Julie Narbey. Des contenus spécifiques peuvent également être pensés sur mesure pour certaines entreprises clientes.
Le format le plus classique est celui qui permet d’effectuer, en une journée et en petit groupe de douze ou quinze personnes, une visite guidée thématique axée sur une problématique ciblée – ceci « en immersion » au sein des collections –, suivie de la conférence ou du témoignage d’un expert du secteur culturel, puis d’un atelier pratique animé par un artiste. « Dans le cadre d’une formation proposée au Comité Colbert, la plasticienne Bertille Bak a par exemple co-créé avec les participants une chorale de gestes des métiers du luxe », détaille Julie Narbey.
La facture s’élève en moyenne à 12 000 euros la journée pour l’entreprise. En 2019, le chiffre d’affaires a atteint 250 000 euros. C’est un début. Mise à l’arrêt par la pandémie, l’École pro doit déjà se réinventer. L’équipe a dans un premier temps réfléchi à des podcasts en accès libre pour continuer à faire vivre le principe de fertilisation de ces échanges – trois épisodes croisant les champs de l’art, des sciences humaines et de l’entreprise sont actuellement en ligne. D’autres formats numériques sont à l’étude, l’idée étant, dès que cela sera à nouveau possible, de les mixer avec des activités proposées sur place. « Nous réfléchissons à des formats hybrides, même si rien ne remplace l’expérience consistant à arriver le matin avant l’ouverture et à traverser le musée », assure Julie Narbey. D’autant que, pour accueillir ses élèves, le Centre s’est doté d’une « œuvre-espace » originale, à laquelle on accède en traversant les salles des collections contemporaines. Baptisé 3-8, conçu par l’artiste architecte Leopold Banchini avec la designer Laure Jaffuel, ce lieu modulable s’inspire du film Playtime de Jacques Tati et des théories utopiques de Superstudio, le groupe d’architectes italiens des années 1970. D’apparence ordinaire avec ses dalles grises, il se révèle ouvert à de multiples transformations et à autant d’usages. Sous son plancher surélevé sont ainsi logés un atelier, une cuisine, une chambre noire, un élément gonflable un jardin sec, un coin détente, des rangements…, autant de fonctions escamotables traitées à une échelle réduite.
L’objectif affiché est de faire bénéficier le monde du travail des ressources du Centre. Celles-ci sont aussi bien scientifiques qu’artistiques, avec une dimension pluridisciplinaire (à travers les arts plastiques, le cinéma, la musique, les livres, la danse, le spectacle vivant), et reposent sur son réseau de collaborateurs (conservateurs, artistes, chercheurs…). Dialogue vital pour l’entreprise d’un point de vue sociétal, fait valoir la brochure de l’École. Et qui, si les subsides récoltés restent pour l’instant modestes, contribue aussi à créer ou renforcer des relations avec de possibles futurs mécènes, tels que EDF, Kering, L’Oréal, Orange, Renault, Shiseido, Vivendi… Autant de firmes clientes qui ont déjà testé une formule misant sur l’art comme fort vecteur d’innovation.
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L’« École pro » du Centre Pompidou stoppée dans son élan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : L’« École pro » stoppée dans son élan