Le recours contre le permis de construire de l’extension du Musée Albert Kahn passe en contentieux, sans faire l’unanimité des plaignants.
BOULOGNE-BILLANCOURT - Le 30 octobre 2014 (lire JdA n° 423 du 14 novembre 2014), trois associations déposaient un recours gracieux pour faire annuler le permis de construire du nouveau Musée Albert Kahn, par crainte que le bâtiment dessiné par Kengo Kuma – qui doit venir agrandir le musée édifié dans les années 1990 – ne dénature les célèbres jardins à la japonaise, à la française et à l’anglaise aménagés par Albert Kahn au début du XXe siècle.
Selon la notice du paysagiste Michel Desvignes (jointe au permis de construire), une petite partie du jardin anglais doit être touchée par la construction du nouveau bâtiment et recevoir sur la zone de transition entre le musée et les jardins, des transformations japonisantes qui viendraient, au grand dam des associations « transformer l’expérience des lieux ». Les plaignants avaient jusqu’au 26 mars 2015 pour faire évoluer cette procédure gracieuse – rejetée par le maire de Boulogne-Billancourt – en recours contentieux. Si la Société protectrice des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) n’a pas souhaité s’engager dans la procédure, les associations Paris Historique et l’association des amis du musée et des jardins Albert Kahn (AMJAK) ont saisi le juge administratif quelques jours avant la fin du délai légal. « Nous avons peur que les recommandations des inspecteurs ne soient pas appliquées », explique l’architecte Che Bing Chiu, président de l’AMJAK.
Début janvier, le Conseil général de l’environnement et du dévelloppement durable et l’Inspection des patrimoines de la direction générale des patrimoines ont été mandatés en urgence par Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, pour réaliser une expertise sur l’impact précis des travaux du musée – conduits par le propriétaire des lieux, le conseil général des Hauts-de-Seine – sur les jardins. Si les deux inspecteurs ont conclu par une « gestion respectueuse des lieux », ils ont pointé une notice paysagère « maladroite et imprécise » et ont effectué plusieurs recommandations pour assurer notamment la bonne intégration du bâtiment dans le jardin. « il est impératif de gommer l’effet d’écrasement [du pavillon japonais patrimonial par le nouveau bâtiment, ndlr] par des masquages de végétation en s’inspirant de ce qui existe déjà dans le jardin », énoncent-ils. Si les inspecteurs ont exprimé leur confiance à l’égard du maître d’ouvrage des travaux, évoquant « un champ de discussion très positif (…) pour la prise en compte de (leurs) remarques », les associations restent sceptiques. « Nous n’avons aucune attestation écrite du conseil général et nous ne sommes pas sûrs que Kengo Kuma acceptera les masquages de végétation sur son bâtiment », explique Che Bing Chiu. Contacté par Le Journal des Arts, le conseil général ne s’est pas exprimé. À l’heure actuelle, les travaux – qui ont mené à la démolition d’édifices d’habitation à l’emplacement où doit s’élever le nouveau musée – sont stoppés jusqu’à nouvel ordre en lisière de jardin.
Désaccords dans l’une des deux associations
Au sein des associations, le recours contentieux ne fait pas consensus. Ainsi la vice-présidente de l’AMJAK, Sylvie Jumentier, dénonce-t-elle une « politique agressive » de la part du président Che Bing Chiu. « Il a lancé le contentieux avant l’assemblée générale extraordinaire de l’association, où le recours devait être mis au vote et cela alors qu’une majorité d’adhérents votants étaient opposés à aller en justice », regrette-t-elle. L’association, qui organise des événements en partenariat avec le musée, craint aujourd’hui que sa convention avec le conseil général ne soit pas renouvelée en août et de se voir privée de subventions. Sylvie Jumentier, se dit « rassurée » par la demande de protection de l’ensemble des jardins Kahn au titre des monuments historiques. Effectuée par le Conseil général fin février, cette demande de classement a été réclamée par la mission d’expertise. Elle doit être examinée en juin par la Commission régionale du patrimoine et des sites et, selon Dominique Cerclet, conservateur régional des monuments historiques, sera sans nul doute acceptée. Une protection qui n’aura que beaucoup trop tardé !
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Inquiétudes pour les jardins Albert Kahn
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Site Internet du musée-jardin Albert Kahn : albert-kahn.hauts-de-seine.net
Légende Photo :
Vue du musée-jardin Albert Kahn. ©CD92 / W. Labre.
Vue du musée-jardin Albert Kahn. ©CD92 / O. Ravoire
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Inquiétudes pour les jardins Albert Kahn