Le directeur de la fondation fait le point sur son travail de recherche des milliers d’ayants droit des œuvres volées par les nazis ou les Soviétiques.
Gilbert Lupfer est le directeur général du Centre allemand des biens culturels disparus (Deutsches Zentrum für Kulturgutverluste). Créée en 2015, cette fondation, qui est soutenue par les communes, les seize Länder et l’État fédéral, a pour mission principale de conseiller et de soutenir financièrement les organismes publics chargés de la recherche des œuvres confisquées par les nazis et les Soviétiques. Le Deutsches Zentrum für Kulturgutverluste, qui emploie trente-quatre salariés, a reçu en 2020 une enveloppe de 9,7 millions d’euros du gouvernement fédéral et une subvention de 61 000 euros de l’État de Saxe-Anhalt.
La restitution des quatorze œuvres est officiellement bouclée, mais on ne peut pas dire que notre travail concernant la collection Gurlitt est pour autant terminé. Rien ne dit qu’en faisant des recherches sur d’autres œuvres on ne découvre pas un jour qu’une pièce saisie chez Gurlitt pose encore problème.
Cela ne m’a pas vraiment surpris. L’immense majorité des œuvres saisies ont été achetées en toute légalité par la famille Gurlitt. Cette collection comprenait également énormément de lithographies et il est très difficile de savoir quels ont pu être les propriétaires de telles pièces.
Il existe deux processus distincts. Des propriétaires d’œuvres qui ont disparu peuvent faire une demande pour que l’on retrouve les pièces qu’ils recherchent. Dans l’autre cas, ce sont les musées, les institutions et les collectionneurs privés qui tentent d’identifier les anciens propriétaires des œuvres qu’ils détiennent en se servant notamment des informations qui peuvent être inscrites au dos des tableaux. Mais je tiens à préciser que, en dehors de la collection Gurlitt, notre mission n’a jamais été de trouver les propriétaires d’œuvres volées. Les musées et les institutions doivent faire ce travail. Notre responsabilité est de les conseiller et de leur fournir des financements.
La décentralisation est une méthode bien plus efficace car les musées et les institutions dans les Länder savent mieux qu’un organe central où se trouvent les informations qui pourraient les aider à repérer l’ancien propriétaire d’une œuvre.
Les musées n’ont jamais eu de moyens pour rechercher les anciens propriétaires d’œuvres dérobées pendant le régime nazi. Quelques rares institutions comme la Kunsthalle à Hambourg débloquaient un peu d’argent pour faire ce travail. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour que la provenance des œuvres d’art devienne un réel sujet de société ; l’Allemagne s’est alors aperçue que les musées et les institutions avaient besoin de fonds pour faire des recherches concernant les origines des pièces de leurs collections. Le Centre allemand des biens culturels disparus a été créé pour remplir cette mission.
Cette base de données recense les biens culturels qui ont été saisis à leurs propriétaires à la suite des persécutions nazies ou qui ont été déplacés pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle répertorie aussi les œuvres qui ont pu être dérobées durant cette période. Lost Art contient actuellement environ 180 000 descriptions détaillées accessibles au public et plusieurs millions de notices d’objets. Ces informations se présentent sous la forme de demandes de recherche et de rapports de trouvailles qui nous ont été soumis par plus de 1 500 institutions et particuliers allemands et étrangers.
Nous n’avons aucune idée du nombre exact de pièces qui ont été dérobées. Il reste des centaines de milliers d’objets volés par les nazis qui n’ont pas été rendus à leurs anciens propriétaires. Cette liste comprend des toiles de maître, mais aussi de l’argenterie et des objets de moins grande valeur. Les Soviétiques ont, quant à eux, ramené en URSS des millions d’objets qu’ils ont pris dans les territoires de l’ancienne RDA. La plupart de ces « trophées de guerre » ont été renvoyés en Allemagne dans les années 1950, mais on estime qu’il existe toujours une centaine de milliers de pièces qui n’ont pas été rendues et qui doivent se trouver quelque part en Russie ou en Ukraine.
C’est certain. Notre fondation va avoir du travail pendant encore dix, vingt ou trente ans, voire plus. Rappelez-moi dans une décennie et je pourrai alors, peut-être, vous donner une estimation un peu plus précise…
(1) http://www.lostart.de/Webs/EN/LostArt/Index.html
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Gilbert Lupfer : « Notre fondation va avoir du travail pendant encore dix, vingt ou trente ans »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : Gilbert Lupfer : « Notre fondation va avoir du travail pendant encore dix, vingt ou trente ans »