L’offre de formation en gestion culturelle connaît une véritable inflation depuis 2004, tant à l’Université que dans le secteur privé. À l’heure où le ministère de l’Enseignement supérieur prépare une grande réforme de l’Université, la multiplication des masters et mastères pose divers problèmes.
«Rien que pour les diplômes nationaux de master (DNM), qui représentent donc 60 % du total, il existe 7 700 masters dont 1 841 en mentions et 5 806 en spécialités ! Avec des intitulés difficilement lisibles : “Master en arts, lettres, langues, mention : langues appliquées, spécialité : langues de spécialité, corpus et traductologie”… […] C’est complètement fou ! » : la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, dans les colonnes du quotidien Le Monde daté du 30 janvier dernier, annonçait une grande réforme de l’Université pour contrer une inflation de l’offre en licences et masters depuis 2004, expliquant vouloir « diviser par dix le nombre de mentions et faire disparaître 5 800 spécialités ».
En matière de formation à l’administration et à la gestion de la culture, force est de lui donner raison. Un rapide tour d’horizon de l’offre permet de rendre compte de la multiplication des mentions et des spécialités, dans un domaine d’activité transdisciplinaire aux débouchés très divers : gestionnaires et administrateurs, directeurs des affaires culturelles, chargés de mission, de communication, de production ou de mécénat. Des métiers qui devraient trouver à s’exercer dans les musées, collectivités territoriales, établissements culturels (patrimoine, musique, spectacle et art vivant) et structures privées (entreprises, fondations), selon le profil et la spécialité antérieure de l’étudiant formé… Près de 150 formations, si l’on additionne l’Université et le privé, proposent aujourd’hui un enseignement à l’administration et à la gestion culturelle au niveau master dans l’Hexagone. En moyenne, l’effectif d’étudiants accueillis dans ses formations varie de 15 à 30 par an : entre 2 500 et 4 500 étudiants s’inséreraient chaque année dans un secteur professionnel certes en plein accroissement, mais fortement marqué par la crise économique, aussi bien dans les institutions publiques que dans le secteur privé.
Offre pléthorique
Dès les années 1980, le mouvement de professionnalisation du secteur culturel a correspondu à une demande de formation en matière de gestion, d’administration et de direction d’entreprises et d’établissements culturels : de là datent les premières formations universitaires et professionnelles, comme le DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées), créé en 1985, de gestion des institutions culturelles de l’université Paris-Dauphine (actuellement dénommé « master 2 Gestion, spécialité Management des organisations culturelles »).
Dans les années 1990 et 2000, le développement des aspects juridiques, administratifs et techniques a légitimé la diversification croissante de l’offre pour ces formations : « Le diplôme spécialisé devient de plus en plus le passage obligé pour faire carrière dans l’administration du secteur culturel » notait Cécile Martin, directrice des études à l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) dans un rapport remis en 2008 au ministère de la Culture. La réforme LMD (licence-master-doctorat) a amplifié ce phénomène, rendant l’offre pléthorique faute de ne pas être régulée par les ministères concernés, la Culture et l’Enseignement supérieur. Entre arts et lettres, sciences humaines et sociales, économie et gestion, droit et communication, les champs disciplinaires sont multiples. Cette diversification se retrouve dans les mentions des masters professionnels autant que dans les différents UFR (unités de formation et de recherche) auxquels ils sont rattachés dans les universités, ce qui complexifie leur identification par des étudiants aux profils très variés.
Demande massive
Depuis le début des années 2000, on note surtout une émergence forte des formations rattachées au droit et à la gestion, tandis que le nombre de formations adossées aux lettres et sciences humaines reste stable. Cela s’est traduit par une multiplication des formations au sein des écoles de management et de gestion, où la filière culturelle est en plein essor, notamment en direction de l’international. « À la grande diversité d’activités, d’offres et de modèles de développement (parfois de survie) ou d’innovation, s’ajoutent les spécificités fonctionnelles (production artistique et créative, médiation, fundraising [collecte de fonds], accueil des publics dans des lieux, programmation, coproductions, rapport institutionnel, copyright, notoriété/médiatisation…) », relève Mario d’Angelo, directeur du mastère spécialisé Management des entreprises culturelles et des industries créatives à l’École supérieure de commerce Dijon-Bourgogne.
La spécialisation vers l’une ou l’autre de ces activités reste rare, la plupart des formations intégrant une approche généraliste des industries culturelles, tandis que l’inflation des formations a conduit à une concurrence forte entre les cursus. Si la réforme voulue par Geneviève Fioraso doit harmoniser l’offre universitaire d’ici trois ans, la demande massive des étudiants ne devrait pas infléchir la tendance dans les écoles privées.
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Gestion culturelle, le boom des formations
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Abonnez-vous dès 1 €Geneviève Fioraso lors du Forum Libération 2013 de Grenoble - © Photo Matthieu Riegler - Licence CC BY 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Gestion culturelle, le boom des formations