Royaume-Uni - Patrimoine

Un manoir anglais du XVe siècle laissé à l’abandon

Propriété privée, le Wingfield Manor est géré en partie par English Heritage, organisme chargé de la conservation du patrimoine. Mais personne ne veut payer les réparations nécessaires.

Le Wingfield manor dans le Derbyshire. © Mball93, 2013, CC BY-SA 4.0
Le Wingfield manor dans le Derbyshire.
Photo Mball93, 2013

South Wingfield (Angleterre). Niché dans la campagne du Derbyshire, dans le nord de l’Angleterre, le manoir de Wingfield était, il y a quelques années, une superbe ruine à explorer. Mais l’accès de cette maison fortifiée du XVe siècle a fini par être fermé au public, après plusieurs enquêtes menées par English Heritage. Si cet organisme indépendant, chargé de la conservation du patrimoine en Angleterre, gère une partie du Wingfield Manor, le bâtiment appartient à un particulier.

Ce cas n’est pas unique, mais la gestion du Wingfield Manor est particulièrement complexe. « La bâtisse est dans un état désastreux, des débris tombent de toutes parts », se désole Barry Joyce, le vice-président du Derbyshire Historic Buildings Trust, un organisme qui identifie des bâtiments historiques ou d’importance architecturale à risque de détérioration. Les efforts nécessaires pour sauvegarder le manoir sont au-delà des capacités de cet organisme. L’association essaie toutefois d’attirer l’attention sur les risques pour ce bâtiment, qui a jadis servi de prison à Marie, reine d’Écosse « Rien n’est fait pour sauvegarder ce manoir médiéval à cause de sa situation administrative complexe », poursuit Barry Joyce. Les ancêtres du propriétaire actuel, Sam Critchlow junior, l’ont acquis vers la fin du XIXe siècle. Cette famille d’agriculteurs s’est même installée au cœur de l’édifice, qui a été converti en maison de ferme au XVIIIe siècle, et continue d’exploiter le reste de la propriété dans le cadre de son activité professionnelle. Mais en 1960, le gouvernement britannique a imposé une ordonnance de tutelle sur les deux extrémités du manoir. « Il considérait que Sam Critchlow, le père du propriétaire actuel, ne s’occupait pas suffisamment du bâtiment, raconte le vice-président. Cela paraît très ironique aujourd’hui. »

Un manoir à réunifier

Sam Critchlow père n’avait pas approuvé cette décision et a continué de vivre dans la ferme du manoir, se retrouvant entouré d’éléments qui lui appartenaient sans pouvoir exercer son contrôle dessus. Le fils vit toujours dans la partie non soumise à l’ordonnance, même s’il possède aussi une maison dans le village proche, South Wingfield (contacté, Sam Critchlow junior n’a pas donné suite à nos sollicitations). Selon Barry Joyce, le propriétaire estime qu’il n’est pas responsable des travaux à engager pour restaurer le bâtiment. Des discussions ont eu lieu entre le propriétaire et English Heritage pour réunifier le manoir, mais « un consensus n’a pas été trouvé », selon la formule utilisée par l’organisme.

L’autre problème, c’est qu’en 2015 le gouvernement britannique a cessé de financer English Heritage, qui est devenu un organisme indépendant. « Depuis que nous sommes une organisation caritative, nous avons dépensé plus de 100 000 livres sterling [119 000 €] en travaux de réparation et d’entretien du site et nous développons un projet de conservation complet pour les éléments dont nous avons la charge », indique Kate MacLachlan, du service communication. Mais English Heritage reconnaît que les défis pour assurer un avenir au manoir restent nombreux. L’organisme refuse de détailler le contenu de ce projet et ne précise pas s’il permettra la réouverture du site.

Barry Joyce estime, pour sa part, la réponse insuffisante. « C’était une très grande maison à l’époque, rappelle-t-il. Elle a été construite pour Ralph Lord Cromwell, ancien trésorier d’Angleterre, qui était probablement l’un des hommes les plus riches du pays. » Le manoir a été assiégé à deux reprises pendant la guerre civile anglaise au XVIIe siècle. Le bâtiment a subi de nouveaux dommages lorsqu’une partie de ses pierres ont été utilisées pour construire un autre édifice. La valeur historique du manoir n’a été reconnue que bien plus tard, dans la seconde moitié du XXe siècle. « Puisque le gouvernement britannique a mis le bâtiment sous sa tutelle en 1960, je pense que, juridiquement, c’est à lui qu’il revient de financer les réparations pour mettre le site à la disposition du public. » Le ministère de la Culture n’a pas répondu à cette suggestion. À défaut de pouvoir agir, le Derbyshire Historic Buildings Trust tente de faire pression auprès du député local pour faire remonter le cas du manoir au sein du Parlement.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Un manoir anglais du XVe siècle laissé à l’abandon

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