Australie

Démission du patron de Rio Tinto après la destruction d'un site aborigène en Australie 

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 11 septembre 2020 - 657 mots

SYDNEY

Le patron de Rio Tinto, le Français Jean-Sébastien Jacques, et deux hauts dirigeants ont démissionné vendredi à la suite du dynamitage en mai par le géant minier d'un ancien site aborigène, une destruction qui a suscité l'émoi en Australie.

Site d'Ayers Rock en Australie. © Pikist
Site d'Ayers Rock en Australie.

Depuis, les actionnaires ne cachaient pas leur colère à l'encontre du groupe anglo-australien à l'origine de la destruction à l'explosif de la grotte de Juukan Gorge, en Australie occidentale, le 24 mai. Après une enquête du conseil d'administration sur cet incident, son président Simon Thompson a annoncé le retrait, « d'un commun accord », de M. Jacques, du chef de la division « Minerai de fer » Chris Salisbury et de la cheffe de la communication Simone Niven.

C'est pour agrandir une mine de minerai de fer que le groupe anglo-australien avait décidé de détruire ce site qui fut habité par des Aborigènes il y a plus de 46 000 ans. « Ce qui s'est passé à Juukan est une faute et nous sommes déterminés à faire en sorte que la destruction d'un site patrimonial d'une importance archéologique et culturelle aussi exceptionnelle ne se reproduise plus jamais lors d'une opération de Rio Tinto », a déclaré M. Thompson dans un communiqué. « Nous avons écouté les préoccupations de nos actionnaires selon lesquels un manque de responsabilité individuelle compromet la capacité du Groupe à reconstruire cette confiance et à aller de l'avant pour mettre en oeuvre les changements ciblés par le Conseil d'Administration », a-t-il expliqué. Jean-Sébastian Jacques restera dans ses fonctions jusqu'à ce qu'un successeur soit nommé ou jusqu'au 31 mars, et les deux autres dirigeants quitteront l'entreprise dès le 31 décembre, a-t-il également précisé.

Les trois dirigeants avaient déjà dû renoncer fin août à des bonus, s'élevant notamment pour M. Jacques à 3 millions d'euros. Les actionnaires et les instances en charge de la responsabilité de l'entreprise ont considéré cette mesure comme insuffisante et demandé que des têtes tombent.

« Première étape cruciale »

L'enquête interne a montré que Rio Tinto avait bien obtenu les autorisations légales pour détruire le site mais que, ce faisant, le groupe n'avait pas respecté ses propres standards. Elle a estimé que ce dynamitage n'était « pas le résultat d'une seule cause ou d'une seule erreur », mais « le résultat d'une série de décisions, d'actions et d'omissions sur une longue période ».

Rio Tinto avait initialement défendu la destruction du site en affirmant qu'elle avait été approuvée par le gouvernement de l'Etat en 2013. Mais l'émoi créé au sein des responsables aborigènes, qui avaient dit avoir été informés trop tard de cette destruction pour l'empêcher, avait poussé le groupe à présenter ses excuses. L'importance culturelle du site avait été établie par des fouilles réalisées un an après l'obtention par Rio Tinto de l'autorisation de le détruire. Ces fouilles avaient permis de découvrir l'outil en os le plus ancien découvert à ce jour en Australie, réalisé il y a 28 000 ans avec un os de kangourou. Des analyses ADN avaient établi un lien entre le peuplement du site et des personnes habitant toujours dans la zone. M. Thompson a affirmé vendredi que Rio Tinto s'efforcerait de « regagner la confiance » des communautés autochtones du PKKP (Puutu Kunti Kurrama and Pinikura People, ndlr), propriétaires traditionnels du site.

Le NNTC, le comité représentant les propriétaires terriens aborigènes, a salué ces « licenciements » tout en soulignant qu'il ne « s'agit que d'une première étape cruciale ». « Nous espérons que cela enverra un message fort à l'ensemble du secteur minier : vous devez rejoindre le XXIe siècle et commencer à prendre au sérieux votre gestion environnementale et sociale », a déclaré Jamie Lowe, directeur général du NNTC. Le centre australien chargé de la responsabilité des entreprises (ACCR) a qualifié de « bienvenue » ces démissions tout en regrettant le temps qu'il a fallu à Rio Tinto pour agir.

Le Parlement australien mène sa propre enquête sur la destruction de ce site et l'Etat d'Australie occidentale réexamine actuellement les activités minières près des sites du patrimoine aborigène.

Cet article a été publié par l'AFP le 11 septembre 2020.

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