Apparu au début des années 2000, cet ensemble de tâches peut prendre plusieurs formes, de l’inventaire systématique au déménagement complet des collections.
L’expression a été popularisée lors du grand « chantier des collections » du futur « musée du quai Branly » en 2004, à l’initiative de Christiane Naffah (conservatrice du patrimoine). Il n’existe cependant pas de définition officielle. Selon l’Icom (Conseil international des musées), il s’agit d’une « opération exceptionnelle permettant de traiter en masse un ensemble d’objets avec un objectif défini » : la définition insiste sur l’aspect systématique. Celle donnée par l’Institut national du patrimoine (INP) reprend les mêmes termes que l’Icom. Le ministère de la Culture le définit par les étapes du processus (inventaire et récolement, établissement d’un constat d’état des biens). C’est donc une opération de grande ampleur qui concerne l’ensemble des collections ou une partie d’entre elles seulement, selon les cas. En conséquence, tout établissement doté de collections patrimoniales peut lancer un chantier de collections, quelle que soit la nature des pièces. Outre les musées (publics et privés), les bibliothèques et les institutions non culturelles sont aussi concernées : l’INP indique ainsi avoir participé à un chantier des collections à la Cour des comptes qui héberge de nombreux manuscrits anciens.
Non, le chantier des collections n’est pas imposé par la loi, mais il est souvent associé par les établissements muséaux à l’obligation décennale de récolement. En effet, depuis la loi du 4 janvier 2002 intégrée au Code du patrimoine, les Musées de France doivent procéder à un récolement « décennal et universel » : cette obligation concerne les 1 223 musées qui ont obtenu le label. Ces musées tendent à intégrer le récolement décennal à un projet de chantier des collections en mutualisant le budget et les moyens déployés. Le Musée d’impression sur étoffes de Mulhouse (MISE) a ainsi entamé un chantier des collections, qui intègre « l’inventaire et le récolement de l’ensemble des collections »,à la suite de signalements administratifs (risques de sécurité pour les bâtiments, situation de péril pour les collections, vols). Il y a donc plusieurs raisons d’entamer un chantier des collections : des travaux de grande ampleur, un déménagement des réserves, le récolement décennal, un projet de conservation préventive.
Ce type de chantier exige une feuille de route précise, sur la durée : en effet, selon l’envergure du projet et le nombre de pièces de collections concernées, le programme peut durer jusqu’à dix ans (Musée du Louvre). Plus ambitieux que le récolement, il vise à obtenir une image la plus exacte possible des collections, dans tous leurs aspects : un plan pluriannuel des opérations doit donc être établi avec des objectifs. Le constat d’état en est une des principales étapes, car un taux d’humidité anormal, des moisissures, des insectes parasites ou encore des poussières peuvent endommager les pièces. Qu’il s’agisse de peintures, de masques en matières organiques ou de manuscrits sur papyrus, chaque pièce est examinée et évaluée. Les conditions de rangement sont également scrutées, et un bilan est établi. Ensuite viennent les éventuelles opérations de nettoyage et restauration des pièces selon une chaîne de traitement ; le rangement dans de nouveaux locaux ou des locaux réaménagés ; l’intégration de l’inventaire aux bases de données. Le chantier des collections du Cnap (Centre national des arts plastiques) a ainsi préparé son emménagement à venir dans les nouvelles réserves à Pantin (Seine-Saint-Denis), ce qui a permis de « vérifier l’état sanitaire des collections et d’améliorer leur conservation ».
Selon la taille des collections et les objectifs du chantier, celui-ci peut être mené en interne ou avec l’aide de cabinets spécialisés. Il n’est pas rare que les collections soient temporairement transportées hors du musée pendant le chantier. Les conservateurs de musée participent activement aux tâches et ils en sont les chevilles ouvrières. L’Institut national du patrimoine propose ainsi à ses élèves-conservateurs de travailler sur des chantiers de collections au cours de leur cursus (Cinémathèque française à Paris, Musée barrois de Bar-le-Duc dans la Meuse, École nationale supérieure des beaux-arts de Paris). Mais il s’agit d’un travail d’équipe, car nombreux sont les corps de métiers à intervenir sur un tel chantier : restaurateurs d’art, régisseurs, historiens de l’art, documentalistes, experts spécialisés.
Les petits musées font souvent appel à des personnes extérieures, car leurs équipes sont réduites. De grands musées peuvent également avoir recours à des cabinets spécialistes des collections patrimoniales, ou à des conservateurs d’autres musées. Le Musée du quai Branly-Jacques Chirac a collaboré avec le Musée de l’armée en 2019, car il fallait inventorier et sécuriser les armes à feu dans ses collections, des objets soumis au Code de la sécurité intérieure et à déclaration en préfecture.
Un projet de ce type permet de mieux connaître les pièces présentes dans l’inventaire, voire de découvrir des pièces mal inventoriées. Avant l’ouverture du Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille), l’important chantier des collections (50 000 pièces d’origine variée) avait mis en lumière un ensemble de costumes traditionnels, qui a pu servir de base à l’exposition « Folklore » en 2023.
L’Institut Pasteur (Paris) a mené un tel chantier en 2022-2023 en vue de la réouverture de son musée en 2027 : le nombre de pièces des collections était estimé à 9 000 au départ. À la fin des travaux, 12 406 pièces en tout étaient répertoriées grâce à des découvertes. Cette connaissance approfondie des collections fournit des éléments pour une refonte du parcours permanent, ou pour affiner le choix des « dépôts et prêts sur le long terme en France et à l’étranger », selon le Cnap. Les bases de données en ligne s’enrichissent évidemment de ces travaux qui fournissent aux chercheurs des informations plus exactes et plus récentes. C’est donc un processus qui bénéficie à la fois aux professionnels et aux visiteurs des établissements culturels.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Comprendre le chantier des collections
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Comprendre le chantier des collections