PARIS
Le Conseil de Paris nous a offert deux beaux cadeaux avant Noël.
Pourvu que sa sagesse ne s’arrête pas en si bon chemin et qu’il ose maintenant décliner ou au moins déplacer le « cadeau » de Jeff Koons. Il a refusé le renouvellement de deux conventions d’occupation du domaine public, celle des Champs-Élysées par un marché dit « de Noël » et celle de la place de la Concorde par la « Roue de Paris ». La Mairie de Paris a justifié sa première décision par « la qualité médiocre des animations et des produits vendus » et les prétendus chalets n’ont pas été installés. Pour la grande Roue, qui, avec ses 70 mètres de diamètre, nuit régulièrement depuis 1993 à l’harmonie de la place de la Concorde et obstrue la majestueuse perspective s’élançant depuis le Louvre jusqu’à l’Arc de Triomphe, il faudra attendre juillet 2018, date d’expiration de l’actuelle convention. D’ici là, la municipalité doit proposer un autre site à cette distraction foraine. Après avoir loué pendant plus de vingt ans la beauté et la puissance d’attraction touristique de cette installation lourdement envahissante, les élus ont enfin reconnu « le caractère patrimonial exceptionnel » de la place de la Concorde. Mieux vaut tard que jamais !
L’occupation de l’espace public concerne aussi Bouquet of Tulips de Jeff Koons, mais cette fois à titre définitif. Elle devrait être encore moins considérée à la légère. Pourtant, Anne Hidalgo s’est emballée, a misé sur la force d’attraction d’une star, « un immense artiste », et celle d’une pièce monumentale (11,66 m de hauteur avec socle), alors qu’au bout du compte il s’agira d’inscrire, à jamais, une œuvre au dessin aussi indigent que l’est son propos, dans un site remarquable : le parvis, devant le portique d’honneur reliant les deux ailes du bâtiment construit à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937, ailes attribuées aujourd’hui au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et au Palais de Tokyo. Ce site est emblématique, à la fois de l’architecture des années 1930 et de la valorisation de la création contemporaine. Bouquet of Tulips n’y a pas sa place.
Une consolidation du sol lourde de conséquences
La Maire de Paris n’a pas mesuré, non plus, le piège que lui « offrait » l’artiste américain en prétendant, en novembre 2016, que « Bouquet of Tulips symbolise l’acte d’offrir », en mémoire des attentats parisiens commis l’année précédente. En fait, seul le dessin était offert, 3 millions d’euros devaient être récoltés à travers le mécénat pour financer la production de la pièce. Dans une tribune parue [le 29 juillet 2017] dans Le Monde, l’ancien président de la Centre Pompidou Foundation, l’Américain Robert M. Rubin, déplorait que cette somme représente plus de trois fois le budget annuel d’acquisition du Musée national d’art moderne (Mnam) et que Jeff Koons n’ait fait aucun don tangible après les expositions que lui avaient généreusement consacrées Versailles (2008) et le Mnam (2015), comme le font traditionnellement des artistes, à l’image de David Hockney qui vient de remettre une composition de 32 panneaux au Mnam. Depuis, la facture du bouquet s’est encore alourdie. Installer une sculpture (bronze, acier inoxydable et aluminium) pesant plus de 30 tonnes nécessiterait une consolidation du sol, entraînant la fermeture pendant plusieurs mois d’espaces que le Palais de Tokyo commercialise habituellement. Le budget de la Ville de Paris avait été sollicité pour consolider le sol de la place de la Concorde afin d’installer la grande roue. Là, c’est celui du ministère de la Culture qui serait mis à contribution.
Bouquet of Tulips serait déjà fondu, peint en Allemagne, prêt à être transporté et posé. Les élus oseront-ils, cette fois encore, heureusement se déjuger et lui offrir un autre emplacement ?
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Offrons un autre lieu à Jeff Koons
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Offrons un autre lieu à Jeff Koons