PARIS
Les médias ont beaucoup commenté la « générosité » du don par LVMH d’un tableau de Gustave Caillebote au Musée d’Orsay.
Mécénat. Le tableau [Partie de bateau, vers 1877-1878], reconnu comme « trésor national », a été acquis dans un premier temps par le groupe de luxe, pour la somme de 43 millions d’euros, avant d’être donné au musée. L’entreprise de Bernard Arnault peut en théorie réduire de son impôt sur les sociétés 90 % de cette somme, auxquelles s’ajoutent des « contreparties » offertes par le musée, telles que des privatisations d’espaces. Le fera-t-elle ? La Cour des comptes avait pointé en 2017 que LVMH avait profité de la loi Aillagon pour déduire de ses impôts pas moins de 518 millions d’euros dans le montage financier qui avait permis la construction de sa fondation dans le bois de Boulogne. D’un autre côté, Françoise Benhamou et Nathalie Moureau rapportent, dans un petit ouvrage fort utile (Le Don dans l’économie, éd. La Découverte), que LVMH avait finalement annoncé qu’il ne défiscaliserait pas les 200 millions d’euros donnés pour la reconstruction de Notre-Dame, contraint de s’aligner sur son rival François Pinault.
Cette générosité plus ou moins désintéressée occupe une grande place dans le livre des deux autrices, bien connues des lecteurs du JdA. Si les économistes ont étudié tardivement le don, ils se sont largement rattrapés depuis et l’impressionnante bibliographie témoigne des nombreuses recherches sur le sujet. Car le don est aussi ancien que multiforme : de la charité religieuse et des « pièces jaunes » (forme ancienne des micro-dons aux caisses de supermarché) aux milliards (324 en 2020) donnés aux universités ou musées par les riches particuliers et entreprises américaines dont une grande partie leur revient sous forme de réduction d’impôts.
D’un point de vue économique, la recherche est très partagée sur le rapport coût-bénéfice de ces incitations fiscales. Le montant des donations diminué des dépenses fiscales serait-il inférieur s’il n’y avait pas de réductions d’impôt ? Le mécénat n’incite-t-il pas l’État à moins subventionner les établissements bénéficiaires ? Les grands mécènes n’influent-ils pas d’une manière ou d’une autre sur les politiques publiques (l’ouvrage cite ainsi la fondation de Bill Gates dans le domaine de la santé) ? Il est tout aussi difficile d’avoir un avis tranché sur le plan moral. Certains mécènes ne s’achètent-ils pas une conduite après avoir monopolisé l’extraction du pétrole (Rockefeller) ou vendu des médicaments opiacés (Sackler) ? Au fond, ce sont toujours les excès qui pénalisent les meilleures intentions du monde.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°606 du 3 mars 2023, avec le titre suivant : Dérives et bénéfices du don