PARIS
Si elle reconnaît l’intérêt de la défiscalisation des dons, la Cour souhaiterait que l’État l’encadre davantage et étudie enfin ses effets sur le mécénat.
Paris. Saisis par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, les magistrats de la Rue Cambon ont fait le bilan de la loi dite « Aillagon » de 2003 sur le dispositif fiscal relatif au mécénat. Une fois n’est pas coutume, ils semblent plutôt favorables à cette « niche fiscale », mais s’agacent du manque de visibilité sur ses effets réels, les conduisant à penser qu’il s’agit d’une « dépense de guichet, plus qu[e d]’une politique publique en faveur du développement du mécénat ». Parmi les nombreux constats, critiques plus ou moins voilées et recommandations qui remplissent les 165 pages du rapport rendu public le 28 novembre, 7 points se dégagent.
1. Ce dispositif fiscal, parmi les plus incitatifs dans le monde et qui fait l’objet d’un large consensus, a multiplié par dix – entre 2007 et 2017 – le nombre d’entreprises donatrices (69 000 entreprises) pour un montant total de la dépense fiscale d’environ 900 millions d’euros. Soit un montant total de don avoisinant 1,5 milliard d’euros, et probablement 2,9 milliards si l’on ajoute les dons qui ne sont pas défiscalisés.
2. Mais si le nombre d’entreprises mécènes est important, les bénéficiaires des dons sont très concentrés. En 2016, 24 bénéficiaires ont représenté 44 % de la créance fiscale. La Fondation Louis Vuitton est la principale bénéficiaire ; elle a ainsi reçu 863 millions d’euros entre 2007 et 2017 (qui ont servi à construire le bâtiment dessiné par Frank Gehry, d’un coût de 790 M€ TTC). Les 26 entreprises donatrices du groupe LVMH ont ainsi pu déduire de leur impôt sur les sociétés 518 millions d’euros en onze ans.
3. Pour autant, le secteur culturel, auquel il est traditionnellement associé, n’accueille plus que 15 % des dons en moyenne. Le mécénat s’est largement tourné vers le social, l’éducation et la santé, ou une hybridation de différents secteurs.
4. Consciente de la multiplication des grandes fondations d’art contemporain, la Cour des comptes s’interroge à plusieurs reprises sur ce qui ressemble de plus en plus à des dépenses de « sponsoring » (et ne devrait donc pas ouvrir à la déduction d’impôt de 60 %). Rappelant que le mécénat relève d’une démarche désintéressée, elle suggère que les importantes retombées sur le plan de l’image pour l’entreprise qui finance « sa » fondation soient prises en compte dans les contreparties.
5. Elle demande à l’État de mieux contrôler les organismes bénéficiaires des dons, en particulier les fondations et fonds de dotations dont le nombre a explosé pour atteindre 4 858 en 2017. Elle souhaiterait aussi que l’État contrôle davantage les entreprises donatrices, relevant le faible nombre annuel (une centaine) de rectifications, un argument réversible.
6. De manière générale, la Cour, mécontente, note une « méconnaissance anormale du soutien de l’État au mécénat ». Elle lui reproche ainsi l’abandon des prévisions annuelles. Aussi recommande-t-elle la désignation d’une administration « chef de file», qui produirait un rapport régulier au Parlement.
7. Dans le but d’aiguillonner le gouvernement, les magistrats se sont lancés dans plusieurs scénarios sur les taux de déduction d’impôt – évidemment à la baisse –, prenant en compte la diminution programmée de l’impôt sur les sociétés. Ils suggèrent un taux inférieur – voire un plafonnement – pour les dons aux fondations et ne sont pas opposés à une alternative : taux de cinq pour mille ou plafond de 10 000 euros de don pour les TPE.
Avec une bienveillance inhabituelle, à moins que ce ne soit de la malice, les magistrats s’inquiètent de la remise en cause du dispositif et… suggèrent de réduire l’avantage fiscal pour le pérenniser !
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Le rapport de la Cour des comptes sur le mécénat en 7 points
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°513 du 14 décembre 2018, avec le titre suivant : Le rapport de la Cour des comptes sur le mécénat en 7 points